Thierry Lepaon a lancé une offensive médiatique pour rester à la tête de la CGT, en accusant des membres de la centrale de porter atteinte à son "honnêteté", quitte à risquer un clash avec les cadres qui demandent sa démission.
"Quelqu'un dans la maison confédérale, ou un groupe de personnes", a décidé de "porter atteinte à l'honnêteté de Thierry Lepaon", a affirmé vendredi sur France Info le secrétaire général du premier syndicat français.
Après un silence de près d'un mois, M. Lepaon multiplie depuis deux jours les interventions médiatiques dans la presse écrite et audiovisuelle pour plaider sa cause, alors que les révélations sur ses dépenses coûteuses dans son appartement de fonction et son bureau, et ses indemnités, avaient suscité un tollé à la CGT.
"Je ne supporte pas quand on parle des +affaires+ de Thierry Lepaon", "tous ceux qui me connaissent savent que je vis modestement, je n'ai pas un train de vie différent de celui des salariés dans notre pays, pas d'oeuvre d'art chez moi, pas de voiture de luxe, pas de bateau", a-t-il dit visiblement blessé par le "Lepaon bashing" de la presse et des humoristes.
Pour sa défense, le numéro un de la CGT renvoie la responsabilité à d'autres, en particulier au trésorier Eric Lafont - qui a déjà démissionné - affirmant que lui-même avait appris par la presse le montant des dépenses.
Mais pour démasquer les "corbeaux" à l'origine des révélations, "il ne rentrera pas "dans une chasse aux sorcières", promet-il.
Bon tacticien, M. Lepaon passe du terrain financier - dysfonctionnement dans le contrôle des comptes - au terrain politique : "Mon départ ne réglera pas les questions politiques qui se posent aujourd'hui à la CGT", dit-il sans évoquer lesquels.
"Ma décision est de faire front" et "je ne serai pas le rat qui quitte le navire", a-t-il martelé jeudi soir sur France 3 Basse-Normandie.
Risque de révocation
M. Lepaon compte sur cette campagne médiatique avant les fêtes pour préparer la réunion cruciale de la commission exécutive (direction élargie de la CGT), les 6 et 7 janvier. Cette instance doit avancer des propositions sur le sort de la direction confédérale.
Ces propositions seront soumises le 13 janvier au Comité confédéral national (CCN,"parlement" de la CGT), seule instance habilitée à révoquer le numéro un et le bureau, et/ou à nommer une nouvelle direction.
Une note adressée à toute la CGT mercredi relevait "un problème de cohésion au sein du bureau confédéral" estimant nécessaire "des propositions d'évolution totale ou partielle de la composition" de ce bureau.
La stratégie de M. Lepaon pourrait être de préserver son fauteuil en proposant la démission d'autres membres du bureau qui - comme Eric Aubin, ancien candidat à la succession en 2012 - se sont opposés à sa gestion de la crise depuis septembre.
Mais en s'accrochant, M. Lepaon risquerait de subir l'humiliation d'une révocation par le "parlement" de la CGT, plusieurs fédérations s'étant déjà prononcées pour sa démission.
"A ce stade la fédération des services publics", la plus puissante de la centrale, "est pour la démission du secrétaire général et sa révocation, si nécessaire", a souligné vendredi à l'AFP une source interne de cette fédération.
Quant à une démission de tout le bureau confédéral, "la fédération n'a pas tranché et se réunira après la réunion des 6 et 7 janvier et avant le CCN", a précisé cette source.
D'autres fédérations, comme celle du commerce, ont déjà mandat pour une démission de tout le bureau incluant M. Lepaon, et pour la désignation d'une nouvelle équipe pour diriger la CGT.
Les calculettes se remettront en marche après les fêtes pour mesurer les chances de M. Lepaon de terminer son mandat de trois ans, débuté en mars 2013, après le départ de Bernard Thibault.