Pour neutraliser les mystérieux drones qui survolent les centrales nucléaires françaises et narguent les autorités, les forces de l'ordre n'ont pour l'instant qu'un recours : les tirer comme des oiseaux, au plomb de chasse.
Depuis octobre, une quinzaine de centrales ont été survolées, et lundi, un nouveau vol a été détecté au-dessus de l'ancien réacteur Superphénix de Creys-Malville (Isère), en cours de démantèlement. Dimanche, un drone avait volé au-dessus de la centrale de Dampierre-en-Burly (Loiret) pour la deuxième fois en deux jours.
Pour les spécialistes, les petits engins aperçus ces dernières semaines volent trop bas et sont trop petits pour être détectables par les radars militaires ou civils. Légers, presque entièrement constitués de plastique, ils sont vendus dans le commerce pour quelques centaines d'euros.
"Un drone, la plupart du temps, quand vous l'avez en visu, c'est déjà trop tard", confie à l'AFP un commissaire de police qui a travaillé sur la question et demande à rester anonyme.
Du plomb de chasse pour neutraliser les drones
Pour le criminologue et spécialiste de la sûreté aérienne Christophe Naudin, "face à ce phénomène nouveau, les forces de l'ordre tâtonnent, cherchent la parade. Et pour l'instant elles n'en ont qu'une, la plus simple : utiliser des cartouches remplies de petits plombs, comme pour la chasse au petit gibier".
"C'est ce que le ministre de l'Intérieur a demandé aux gendarmes, qui gardent les centrales, de faire", ajoute-t-il. "Ce genre de munitions, qu'ils peuvent tirer avec leurs fusils à pompe, leur ont été distribuées".
Si certains drones, les plus basiques, sont radiocommandés et doivent être pilotés à distance par un opérateur caché à proximité - qui peut donc être repéré et arrêté - d'autres modèles, à peine plus chers, sont programmables. Pour 350 à 400 euros, on trouve désormais dans le commerce des engins virtuellement indétectables, dont les performances sont sans cesse améliorées.
Point faible des drones ? Sa vulnérabilité
"Il suffit pour le programmer d'une application très simple, sur une tablette ou même un smartphone" explique Paul Germonprez, auteur du livre récent "Les drones débarquent" (FYP Editions). "Vous rentrez son plan de vol, une série de points GPS, et vous le lâchez. Vous pouvez être à dix kilomètres. Le drone va partir, suivre son plan de vol, aller au point de retour prévu. Si vous voulez être sûr de ne laisser aucune trace, vous pouvez même l'abandonner, éviter d'aller le chercher".
"En revanche, ce sont des machines très vulnérables : il suffit qu'un petit plomb de chasse touche une des quatre hélices de plastique et le drone va tomber", poursuit Paul Germonprez.
Tirée en hauteur, une cartouche de fusil de chasse remplie de petits plombs a une portée utile de 150 à 200 mètres. Les petits drones qui survolent tous les jours ou presque, depuis le mois dernier, les centrales nucléaires françaises passent au-dessus des grandes tours réfrigérantes, soit une soixantaine de mètres. Ils sont donc à portée de tir.
A ce jour, aucun engin volant n'a été neutralisé avec des cartouches de chasse. L'identité et la motivation des opérateurs restent un mystère.
Le laser, arme du futur
D'autres parades ont été étudiées par les forces de l'ordre : l'utilisation de filets, d'armes de paintball, tirant avec de l'air comprimé des billes de peinture, pour utilisation dans des lieux où il pourrait y avoir du public, le brouillage des signaux électro-magnétiques.
"Le problème du brouillage", précise Christophe Naudin, "c'est que dans le cas de drones programmables, auto-pilotés, ça ne sert à rien. Quand à brouiller les signaux satellitaires des GPS, c'est faisable mais cela demande des équipements lourds, sans compter que cela toucherait tous les GPS civils et militaires des environs".
"L'arme du futur, ce sera le laser", ajoute-t-il. "Le faisceau détecte le drone, le suit et faire fondre en quelques secondes toute l'électronique de bord. Les Américains sont bien sûr très avancés dans cette voie, mais ce ne sera pas mis en place avant 2020 au plus tôt".
En France, le survol des centrales nucléaires est interdit dans un périmètre de cinq kilomètres et de 1.000 mètres d'altitude autour des sites. Il est passible d'un an d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende.