L'idée ultra-sensible d'une modulation des allocations familiales en fonction des revenus a été relancée par des députés socialistes mais François Hollande a semblé écarter une telle réforme, qui a déjà fait reculer plusieurs gouvernements.
"La modulation des allocations familiales", réclamée par des députés PS, "n'est pas une réforme structurelle", a-t-il dit. "C'est simplement une technique pour faire des économies ou un principe qui pour l'instant est en discussion et n'a pas été retenu", a poursuivi le chef de l'Etat lors d'un point presse après la conférence sur l'emploi en Europe organisée à Milan.
Cette piste a ressurgi à l'occasion de la présentation, mercredi en conseil des ministres, du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2015, qui prévoit 700 millions d'euros d'économies dans les prestations familiales.
Pour atteindre cet objectif, le gouvernement propose notamment une nouvelle réforme du congé parental, afin d'avoir un partage plus équitable entre pères et mères, et une division par trois de la prime à la naissance à partir du deuxième enfant. Des propositions critiquées jusque dans les rangs de la majorité.
Mardi lors de la réunion du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, la députée Laurence Dumont a proposé de remplacer la réforme du congé parental par la mise sous condition de ressources desallocations familiales.
Cette alternative a été approuvée par nombre de députés présents et a reçu mercredi un soutien prudent du président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone: "une bonne idée", mais qui nécessite "une étude d'impact".
Le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, a également indiqué que l'impact d'une telle mesure serait évaluée avant qu'elle ne soit éventuellement proposée pendant les débats budgétaires.
En vertu du principe d'"universalité", les allocations familiales sont actuellement versées à tous les ménages à partir de deux enfants. Leur montant est le même pour une famille modeste et pour une famille aisée: 129,35 euros pour deux enfants, 295,05 pour trois enfants, 460,77 pour quatre.
La ministre des Affaires sociales Marisol Touraine s'est montrée réservée sur une remise en cause de ce principe. "Cette proposition n'est pas celle du gouvernement", qui va néanmoins en discuter avec les parlementaires, a-t-elle réagi. Le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll ne s'est pas non plus prononcé.
Une tentative de Jospin en 1997
En 2013 déjà, la question s'était posée à l'occasion de la réforme de la politique familiale. Alors que l'idée d'une modulation avait initialement semblé tenir la corde, le gouvernement avait finalement tranché en faveur d'une nouvelle baisse du plafond du quotient familial.
Un rapport remis au gouvernement pour préparer cette réforme avait pourtant listé plusieurs scénarios, qui auraient généré 450 millions à 1,5 milliard d'euros d'économies, selon les seuils retenus.
Une source gouvernementale assurait mercredi que le gouvernement serait favorable à une modulation, mais que François Hollande y est opposé car il reste traumatisé par la tentative infructueuse de réforme de Lionel Jospin.
En 1997, Lionel Jospin avait en effet décidé de conditionner le versement des allocations familiales à un plafond de revenus. Mais un an après son entrée en vigueur, il avait dû retirer cette réforme impopulaire.A droite, Alain Juppé, en 1996, avait de son côté renoncé à imposer les allocations familiales.
Le sujet reste sensible, comme en témoignent les réactions. L'Union nationale des associations familiales (Unaf) a jugé que la modulation serait une voie "désastreuse" et "irresponsable".
Pour le Front national, "le principe d'universalité des allocations ne doit pas être remis en cause, ni sacrifié sur l'autel de l'austérité bruxelloise".
A l'autre bout de l'échiquier politique, Le Front de gauche défend également "l'universalité des prestations sociales", un "acquis du Conseil national de la résistance".
L'ex-secrétaire d'Etat à la Famille Nadine Morano (UMP) s'est de son côté dite "favorable à un plafonnement", qui serait aussi fonction du nombre d'enfants.
En 2010 pourtant, le gouvernement de François Fillon - dont elle faisait partie - avait exclu de soumettre les allocations familiales à des conditions de ressources, comme l'avait proposé Jacques Attali dans un rapport.