Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
MARDI 2 SEPTEMBRE
Ce soir-là, dans la douceur d’un été qui revient, plus de 800 personnes se pressent, le long de la rue de Sèvres, à Paris, pour assister à l’inauguration de «Le Japon Rive Gauche», une exposition organisée par Le Bon Marché sur deux étages.
L’intérêt et la curiosité des Français pour tout ce qui vient du Japon, ce qui s’y produit, s’y fabrique, s’y crée, ne cesse d’augmenter. L’expo permet de bien comprendre la beauté architecturale de l’univers muséal de l’île de Naoshima, dont le grand Tadao Ando est le maître d’œuvre, et aussi de découvrir, ou redécouvrir, la multitude d’objets, accessoires, vêtements venus de là-bas.
C’est une habile et chatoyante exposition d’agendas, pochettes, poupées kokeshi en bois, sacs, casques audio, craquelins de riz au sucre brun, plats en porcelaine, sachets pour le bain, robes et jeans, des cabas en coton, du thé, des crèmes, des huiles, des blousons, des chemises, des couteaux en Inox, des boîtes bento, des chats de toutes formes avec leur énigmatique sourire.
C’est toute la finesse graphique, le raffinement dans le détail, l’insolite apporté aux moindres objets du quotidien, c’est le sens pratique, le culte du design, la modernité autant que la tradition. Jusqu’au 18 octobre. Cela vaut le détour.
MERCREDI 3 SEPTEMBRE
Remise du prix littéraire Matmut 2014 dont on m’a prié de présider le jury. La lauréate s’appelle Laure Gerbaud. Son roman : Racines mêlées (éd. Carpentier). L’originalité du prix Matmut, c’est qu’il est exclusivement réservé à des auteurs n’ayant jamais eu la chance d’être publiés.
On dit souvent qu’un écrivain ou romancier sommeille en chaque Française ou Français. Combien ne parviennent jamais à briser les barrières des prestigieuses maisons d’édition parisiennes ? Grâce à ce prix, des textes qui auraient pu demeurer dans des tiroirs, ont été lus, étudiés, débattus.
L’un d’entre eux, ces Racines mêlées, riche histoire d’amour entre deux médecins pour l’OMS, une Française et un Africain, a été choisi par un groupe d’écrivains, artistes et journalistes. Je suis heureux de remettre le prix à Laure Gerbaud, professeur, qui se réclame de Césaire, Senghor, de Mabanckou à Laferrière, et dont les descriptions de l’Afrique noire, dont elle est, au Niger, tombée amoureuse, font la force de ce texte, poétique et passionné.
JEUDI 4 SEPTEMBRE
Toujours les livres – mais pas tout à fait la même chose : Merci pour ce moment (éd. Les Arènes), de Valérie Trierweiler dont, dès ce matin, sans doute, les libraires vont vendre des exemplaires par dizaines de milliers. On a déjà tellement parlé de ce récit «vrai» d’une femme blessée et qui prend sa revanche sur celui qui fut son compagnon et préside la République, que je ne souhaite pas apporter plus qu’un court commentaire.
On en parle peut-être même trop. L’actualité, aussi bien hexagonale (Valls et ses frondeurs) qu’internationale (les horreurs perpétrées par le califat), offre des sujets de préoccupation et d’inquiétude plus sérieux et plus durables que ces 320 pages dont tout le monde va dire : «Je ne les lirai pas», mais que tout le monde lira quand même pour se repaître de l’autoportrait, sous forme de quasi-confession de Valérie Trierweiler, aussi bien que du portrait sévère et surprenant de François Hollande.
Force pernicieuse de la curiosité imposée par la société de communication et d’info continue, qui déchire les rideaux de toute vie privée, jusqu’à ce qu’intervienne, un jour, un sentiment de lassitude.