"Ca va être de l'improvisation, il y aura toujours du bricolage de dernière minute...", souffle Assia, maman de deux enfants: à Marseille, la mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires --qui s'annonce chaotique-- suscite l'inquiétude des parents.
Le maire UMP Jean-Claude Gaudin a confirmé lundi ce que beaucoup craignaient: les activités périscolaires du vendredi après-midi dans les 445 écoles maternelles et élémentaires publiques de la ville ne commenceront qu'au fur et à mesure du recrutement de tous les personnels nécessaires pour l'encadrement. En clair, vendredi après-midi, les 74.000 enfants qui fréquentent ces établissements seront déjà en week-end.
"On essaie de faire face du mieux que l'on peut", a résumé M. Gaudin, qui accuse le gouvernement et les conditions "extrêmement défavorables" qu'il impose à la ville . Les difficultés pourraient durer au moins jusqu'aux vacances de la Toussaint, voire jusqu'à début 2015.
Pour les parents, la nouvelle, à huit jours à peine de la rentrée, a tout du coup de massue sur la tête. "Pour le moment, on en rigole avec les autres mamans mais ça va être compliqué à gérer", résume Assia, dont le garçon de 9 ans est concerné par ces nouveaux horaires --qui prévoient également que les enfants aient école le mercredi matin.
Cette rédactrice juridique, mariée à un chauffeur de taxi indépendant, envisage de poser des jours de RTT ou l'entraide avec d'autres parents.
"Ca ne m'enchante pas du tout": Rym, mère d'une fillette qui aura bientôt 5 ans, pratique l'art de l'euphémisme. Ingénieure travaillant à une quarantaine de kilomètres de Marseille, elle avait choisi de se mettre à temps partiel pour être avec sa fille le mercredi: "Je l'ai fait quasiment pour rien, elle va aller à l'école le matin...", peste-t-elle. Comme beaucoup, Rym, dont le mari tient un commerce, posera des congés ou des RTT les vendredis. "J'espère que tous mes congés ne vont pas y passer...".
- Pagaille attendue -
Pour beaucoup de parents, c'est le sentiment de s'être "fait avoir" qui l'emporte, résument Caroline et Hervé, deux enseignants qui ont des enfants de 5 et 7 ans. "Jean-Claude Gaudin a beaucoup dit qu'il n'appliquerait pas la réforme", se rappellent-ils, expliquant qu'eux croisent les doigts pour avoir des horaires leur permettant d'aller chercher leurs enfants --faute de quoi ils devront "faire jouer la solidarité avec les familles d'amis".
Sophie, préparatrice en pharmacie et maman d'une fille de 4 ans et d'un garçon de 7 ans, va quant à elle devoir évoquer le sujet avec son patron: "Je vais poser des journées à gauche et à droite mais je ne vais pas pouvoir prendre tous les vendredis".
"On va essayer de s'organiser avec une autre maman mais on attend le dernier moment pour s'organiser", explique-t-elle, disant en vouloir à la municipalité: "Le maire a eu deux ans pour préparer la réforme et il s'en est occupé au dernier moment."
Le premier décret sur la réforme date de janvier 2013 mais la mairie --qui avait voté pour le report d'un an de la réforme-- a défendu un projet alternatif de lutte contre l'échec scolaire, sans modification des heures de classe, finalement retoqué par l'inspection académique. Et début juillet, cette dernière a officialisé les nouveaux horaires: ce n'est qu'à ce moment que la municipalité a pu commencer à travailler à la mise en oeuvre de la réforme qui nécessite quelque 3.500 titulaires du Brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa) quand la Ville en a 350 aujourd'hui.
Les activités péri-scolaires sont gratuites et la municipalité a estimé à 22 millions d'euros le surcoût annuel de la réforme.
En attendant, les centres aérés ouvriront le vendredi après-midi pour accueillir les enfants après l'école. Encore faut-il avoir la chance d'y décrocher une place: dans les 2e et 3e arrondissements par exemple, on compte 174 places pour quelque 7.000 enfants...
Et pour ajouter encore à la pagaille attendue, l'Unsa, syndicat minoritaire de la ville, a lancé un appel à la grève reconductible, les vendredis de 11H30 à 12H30, auprès des agents des écoles --notamment pour obtenir l'assurance que les agents municipaux ne seront pas contraints de remplacer les animateurs auprès des enfants. Si l'appel est suivi, pas de cantine vendredi, et les enfants seront libres dès 11H30...