Pillage de sanctuaires historiques ou simple passion de prospecteur amateur? Un vigneron de 60 ans sera jugé mardi devant le tribunal correctionnel de Meaux (Seine-et-Marne) pour s'être approprié des centaines d'objets ramassés sur des sites archéologiques.
Le prévenu, viticulteur dans la Marne, comparaît pour "exécution de fouilles archéologiques sans autorisation", "détention de bien culturel" et "vente de découverte archéologique". Son épouse, âgée de 58 ans, comparaîtra à ses côtés notamment pour "recel". Ils encourent une peine théorique de 3 et 5 ans de prison et une amende importante.
Le couple est accusé d'avoir pillé des sites historiques, principalement gallo-romains, lors de fouilles illégales dans l'Aube, la Marne et la Seine-et-Marne. Une qualification des faits qu'ils réfutent, assurant s'être contentés de ramasser des objets trouvés dans des champs, avec l'aide d'un détecteur, à l'occasion de promenades.
"Il n'y a absolument pas eu de pillage", plaide leur avocat, Me Denis Tailly-Eschenlohr. "Mes clients étaient d'une parfaite bonne foi. Ils pensaient que demander l'autorisation des propriétaires du champ suffisait, ils ne connaissaient pas les règles", assure-t-il.
Preuve, selon l'avocat, de cette "bonne foi": l'accusé avait rédigé en 2010 un testament dans lequel il léguait une partie de sa collection au musée d'Epernay (Marne). "A aucun moment, il n'a été dans une logique de prédation", assure Me Tailly-Eschenlohr.
Le vigneron avait été interpellé le 5 février 2012 à La Ferté-sous-Jouarre(Seine-et-et-Marne) lors d'un contrôle routier réalisé par les douaniers. A bord du véhicule se trouvaient des bouteilles de champagne, en règle, mais aussi 112 pièces anciennes que le viticulteur avait prévu de vendre ou d'échanger dans une bourse aux monnaies à Argenteuil.
- Petit musée -
A la demande du parquet de Meaux, une perquisition avait alors été menée au domicile du vigneron, où les douaniers avaient trouvé un véritable petit musée: 2.300 objets anciens, parmi lesquels des pièces de monnaie, des poteries, des bagues et des colliers, pour la plupart d'époque celte ou gallo-romaine.
La collection, dont la valeur est estimée à plusieurs dizaines de milliers d'euros, a été confisquée par les douanes, qui vont se constituer partie civile aux côtés du ministère de la Culture, les objets saisis étant considérés comme des "biens culturels".
"On ne sait pas aujourd'hui s'il y a réellement eu infraction. Et dans le cas affirmatif, on est incapable d'évaluer les faits qui tombent sous le coup de la loi et ceux qui sont prescrits", estime de son côté Me Tailly-Eschenlohr, qui regrette que le dossier, "technique et complexe", n'ait pas été confié à un juge d'instruction.
Sur les 2.300 objets recensés, une grande partie a été découverte par le grand-père de l'accusé, qui avait initié son petit-fils à la recherche d'objets anciens et lui a transmis en héritage sa collection. D'autres ont été acquis ou échangés lors de salons, et d'autres lui on été donnés.
"Plus de 90% des objets ont été trouvés ou acquis avant 2009. Or en matière de détection non autorisée, la prescription est de trois ans", détaille l'avocat du prévenu, qui entend soulever la nullité de la procédure lors de l'audience de mardi.
Selon l'association Halte au pillage du patrimoine archéologique et historique (HAPPAH), au moins 520.000 objets sont pillés chaque année en France. Ces vols, qui concernent principalement des objets de l'époque gauloise, antique et médiévale, comme les pièces de monnaie, sont le fait d'environ 10.000 prospecteurs munis de détecteurs de métaux et visent notamment les églises en ruines, les châteaux et les sites archéologiques.