Grâce à une hausse de la redevance d'environ 2 euros par an, l'Etat promet de stabiliser jusqu'en 2017 les fonds alloués aux groupes audiovisuels publics, qui devront toutefois comprimer leurs coûts s'ils veulent mener à bien leurs développements, dont le numérique.
Bercy a annoncé mercredi la suppression graduelle de la dotation de l'Etat au secteur, qui passera de 292 millions en 2014 à 29 millions en 2017, soit une réduction de 263 millions sur trois ans.
Cette décision n'a guère surpris les groupes concernés, au vu des quelque 50 milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques sur trois ans prévues par le gouvernement.
La dotation, déjà fortement réduite depuis 2012, complétait la redevance dont les recettes (environ 3,5 milliards d'euros) constituent l'essentiel des fonds de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, INA et Arte).
Pour compenser la baisse de la dotation, le gouvernement compte sur la hausse mécanique de la redevance, qui est indexée sur l'inflation depuis 2009 et concerne un nombre croissant de foyers.
Actuellement de 133 euros, elle devrait augmenter de 2 euros par an, pour suivre la hausse des prix. De plus, le nombre de foyers cotisants, d'actuellement 26 millions environ, devrait augmenter d'environ 0,8% par an sous l'effet de la progression démographique et des "décohabitations" (séparations, divorces...)
Le gouvernement a déjà relevé la redevance de 6 euros en 2013 et 2 euros en 2014.
Les crédits de l'audiovisuel public seront ainsi "stabilisés" jusqu'en 2017 à environ 3,77 milliards d'euros, a déclaré jeudi à l'AFP la ministre de la Culture Aurélie Filippetti.
"Ce qui n'exonèrera pas les sociétés de poursuivre les efforts de maîtrise de leurs coûts, comme l'ensemble du secteur public", a-t-elle ajouté.
- Budget plat -
Le financement par la redevance, un impôt qui leur est réservé, protège les groupes audiovisuels des revirements budgétaires et renforce ainsi leur indépendance vis-à-vis de l'Etat, a noté France Télévisions, tout comme le ministère.
"Ne pas dépendre de subventions budgétaires mais uniquement d'une taxe affectée est une bonne nouvelle", a commenté Fabrice Lacroix, directeur général des finances du groupe.
"Mais l'indexation de la redevance sur l'inflation devait nous assurer des recettes dynamiques. Là, la hausse de la redevance servira à compenser la baisse de la dotation. Et avoir un budget constant sera compliqué, car les charges salariales augmentent et les groupes audiovisuels ont tous des projets de développements à mener", a-t-il souligné, citant le numérique, les projets de développement de France 3 ou encore le chantier de la Maison de la Radio.
Autre inquiétude, l'érosion des recettes publicitaires, qui rapportent à France Télévisions et Radio France environ 10 à 15% de leurs revenus mais souffrent d'un marché publicitaire atone.
A ressources publiques stables mais avec une publicité en baisse, France Télévisions (quelque 10.000 salariés) et Radio France (4.600 environ), les deux plus gros budgets de l'audiovisuel public, seront particulièrement concernés par les efforts d'économies.
Bercy a d'ailleurs averti mercredi de la nécessité d'"un effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement", notamment chez France Télévisions.
Plusieurs pistes existent pour renforcer les finances du groupe. En juin 2013, son président Rémy Pflimlin avait réclamé de pouvoir remettre quelques spots publicitaires après 20 heures, ce que le gouvernement avait alors refusé.
Autre piste pour accroître les ressources de l'audiovisuel public, élargir l'assiette de la redevance à tous les foyers possesseurs d'ordinateurs, une proposition lancée par la ministre l'été dernier, mais restée sans suite pour l'instant.
Certains demandent aussi une hausse conséquente de la redevance. C'est le cas de la Société civile des auteurs multimédias (Scam), qui avait plaidé fin 2013 pour une augmentation a minima de trois euros par an pendant trois ans (hors inflation).
Elle souligne régulièrement que la redevance en France est bien inférieure à celles qui existent en Grande-Bretagne (184 euros en 2012), en Allemagne (216 euros), en Suède (229 euros) ou en Suisse (385 euros).