Le bitcoin, monnaie virtuelle qui s'est fait connaitre comme le moyen de paiement privilégié sur le net de ceux qui ont quelque chose à cacher, a désormais pignon sur rue à Paris dans un espace qui se veut le premier du genre en Europe.
Ouverte fin mai, la "Maison du bitcoin" a vocation à promouvoir cette monnaie virtuelle auprès du grand public et dispose d'un distributeur automatique et d'un comptoir de change où l'on peut acheter des bitcoins contre des euros.
"L'achat des premiers bitcoins, c'est un peu comme créer son premier compte mail", estime le co-fondateur de l'entreprise, Thomas France, 29 ans, qui croit que cette monnaie émise à partir de codes informatiques peut s'imposer dans le système financier.
Selon lui, quelques dizaines de curieux poussent chaque jour la porte de cet établissement aux larges vitres barrées du logo du bitcoin, un B noir rayé de deux traits.
Il aide les plus aventuriers à réaliser leurs premières transactions, au distributeur ou au comptoir.
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Ces derniers reçoivent ensuite un Flashcode qui leur permet de créditer leur portefeuille électronique du montant souhaité, au cours Euro/bitcoin du marché (le 20 juin, 1 bitcoin valait 436 euros). Les données échangées sont cryptées grâce à une clé publique et une clé privée.
Les détenteurs de bitcoins peuvent ensuite tester leur pouvoir d'achat dans certains cafés du quartier, récemment convertis aux charmes de la monnaie virtuelle.
"L'intérêt d'accepter le bitcoin pour les commerçants c'est de se démarquer mais c'est aussi un moyen de faire des économies car il n'y a pas de frais de transactions", explique M. France, qui assure que c'est un moyen de paiement "très sûr".
La "Maison du bitcoin" se rémunère sur les commissions sur les opérations de change.
"Pour nous prémunir des problèmes de blanchiment d'argent, on demande systématiquement une pièce d'identité. A partir de 1.500 euros, on demande des pièces supplémentaires comme un justificatif de domicile", explique M. France.
- Rendre le Bitcoin réel -
Créé en 2009, le bitcoin s'est attiré les foudres de nombreux régulateurs dans le monde car, ne passant pas par le système bancaire, il permet de réaliser des paiements de manière anonyme. Il était par exemple utilisé sur Silk Road, un site internet clandestin fermé par les autorités américaines l'an dernier, qui vendait notamment armes et drogue.
Son cours a connu de fortes fluctuations, en raison de la spéculation des investisseurs mais aussi de la faillite de sa principale plateforme d'échange MtGox, située au Japon.
"Il n'est pas opportun d'investir plus que ce qu'on est prêt à perdre", admet Thomas France, qui estime toutefois que le cours du bitcoin tend à se stabiliser.
Si le modèle économique de la "Maison", cinq salariés en incluant les deux fondateurs, repose en partie sur les commissions de change, il s'appuie également sur le co-working et les sessions de formation dédiées à l'univers du bitcoin.
Ainsi deux grandes banques françaises, un assureur, des marchands et un transporteur sont venus se renseigner sur les risques et les opportunités liés à la monnaie virtuelle.
Le PDG, Eric Larchevêque, 40 ans, fait également la promotion du bitcoin auprès des autorités françaises, avec l'idée qu'à terme, il puisse bénéficier d'un cadre juridique clair.
Le centre joue le rôle de pépinière et souhaite organiser régulièrement des hackathons, c'est-à-dire des concours entre développeurs informatiques pour produire en temps limité un prototype d'application ou de service innovant.
Le premier, organisé mi-juin, a réuni une soixantaine d'aficionados du bitcoin, dont Jonathan Bourguignon qui planchait sur une solution de financement participatif en bitcoins.
Pour cet entrepreneur, qui "suit de près le mouvement bitcoin depuis un an et demi", l'ouverture du centre est "très positive" car c'est un lieu d'échange qui permet de se retrouver entre codeurs.
Surtout, selon lui, "ce projet permet de rendre le bitcoin, qui est une monnaie virtuelle, tangible, réel. C'est aussi une façon de le démystifier et de montrer son importance pour l'économie".