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Dilemme à Ajaccio entre parking auto et préservation de quais napoléoniens

Vue aérienne de la citadelle d'Ajaccio, le 1er juin 2014 [Pascal Pochard-Casabianca / AFP/Archives] Vue aérienne de la citadelle d'Ajaccio, le 1er juin 2014 [Pascal Pochard-Casabianca / AFP/Archives]

L'avenir du cœur historique d'Ajaccio est suspendu à une décision de l'Etat sur un ensemble de quais maritimes édifiés sous Napoléon 1er et Napoléon III exceptionnellement conservés et découverts lors du creusement d'un parc stationnement dont la nouvelle municipalité a demandé l'interruption.

"Je ne serai pas le maire d'Ajaccio qui détruira le patrimoine de la ville pour 300 places de parking", a déclaré le 6 juin le premier magistrat de la Cité impériale, Laurent Marcangeli.

Elu en mars, M. Marcangeli, qui est aussi député UMP de Corse-du-Sud, avait alors annoncé qu'il demandait au ministère de la Culture une expertise des deux quais pour décider de leur éventuel classement qui permettrait de les préserver.

Cette décision pourrait entrainer l'abandon du parc de stationnement, l'un des plus importants projets d’infrastructure à Ajaccio depuis une vingtaine d'années.

Ce projet avait été décidé par la municipalité de gauche sortante, sous le square César Campinchi bordé de cafés et de restaurants animés, avant que le secteur soit enfermé derrière des palissades colorées, et où se tenait auparavant le plus grand marché de la capitale corse.

M. Marcangeli avait ordonné dès son arrivée, le 5 avril, à la Maison Carrée, l'hôtel de ville d'Ajaccio qui jouxte le chantier, la suspension des travaux.

Les quais devaient être démantelés deux jours plus tard. Longs de plusieurs centaines de mètres et construits avec des blocs de granit impeccablement appareillés pesant parfois plus de 800 kilos, ils avaient été mis au jour par les archéologues de l'Institut national d'archéologie préventive (INRAP) chargé des fouilles sur tous les chantiers de travaux publics.

Selon la responsable de l'INRAP, Anne Huser, le quai Napoléonien construit en 1808 a été au centre de l'Ajaccio moderne pensée par Napoléon 1er, qui avait regretté dans son exil de Saint-Hélène de n'avoir pas fait plus pour la Corse.

"Contrairement à la légende, il a fait beaucoup pour sa ville natale. Il n'a pas eu le temps de réaliser tous ses plans, mais les ingénieurs ont pu, sur ses instructions, tracer les axes de développement de la ville moderne", selon Mme Huser.

L'ensemble de cette ligne maritime avait été enseveli et définitivement comblée entre 1893 et 1900 pour gagner sur la mer.

- Réponse de l'Etat dans l'été -

Vue aérienne de la ville d'Ajaccio, le 1er juin 2014 [Pascal Pochard-Casabianca / AFP/Archives]
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Vue aérienne de la ville d'Ajaccio, le 1er juin 2014

Les historiens n'ignoraient pas l'existence des quais. Mais les archéologues ont été surpris par leur remarquable état de conservation, notamment le quai Napoléon 1er avec tous ses attributs: gros blocs, désormais soigneusement numérotés, escalier, gradins, lourds anneaux d'amarrage en bronze intacts, structure de déchargement..

Trés attachés au passé de leur ville, dont le patrimoine architectural et environnemental se réduit comme peau de chagrin sous les assauts des bulldozers et des spéculateurs immobiliers, les Ajacciens ont visité en masse le chantier lors de journées portes ouvertes en avril.

Une pétition pour "la sauvegarde et la valorisation du quai Napoléon" qui déplore que "durant des décennies, les différentes municipalités d'Ajaccio se sont employées à faire disparaître ou défigurer" la Cité impériale, recueille chaque jours de nouvelles signatures.

Emblématique de la mandature précédente du maire DGV Simon Renucci, le projet prévoyait la création de 678 places sur plusieurs niveaux sous-terrains dans une ville de plus en plus embouteillée.

Le classement du site permettrait à la nouvelle municipalité de réviser la délégation de service public de stationnement signée en 2011 avec l'un des plus grands opérateurs européens pour un montant de 25 millions d'euros.

Le nombre de places gagnées serait toutefois ramené à environ 300 seulement, cet opérateur demandant la suppression de parcs avoisinant le secteur, comme l'ont révélé récemment des opposants au projet.

M. Marcangeli et la municipalité, qui ont hérité de ce dossier "qui risque de mettre la ville en difficulté" et coûte déjà 50.000 euros par semaine de suspension des travaux, a reconnu que l'opposition qu'il représentait alors avait voté le projet. Mais, a-t-il déclaré à Corse-Matin, "nous n'avions pas tous les éléments en notre possession".

La réponse du ministère de la Culture est attendue durant l'été.

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