A la Foire du Trône à Paris, rien de plus normal que de gagner un poisson rouge dans un sachet en plastique. Une pratique anodine pour certains, mais qui équivaut à de la maltraitance selon des associations de défense des animaux qui se battent pour l'éradiquer.
"Il n'y a pas de petite souffrance. Un animal en vaut un autre." Marie-Françoise Lheureux, présidente du Groupement de réflexion et d’action pour l’animal (Graal), n'est pas près de baisser les bras. Il lui suffit d'évoquer ces poissons "dans des bassines en plein soleil" ou nageant entre "bouts de pain et mégots" pour partir au combat.
C'est écrit noir sur blanc dans le code rural: l'attribution d'un animal vivant en tant que lot ou prime est interdit, sauf dans un cadre agricole. Il stipule aussi que la vente de chats, chiens et animaux de compagnie est interdite lors d'"expositions ou toutes autres manifestations non spécifiquement consacrées aux animaux". Exit, donc, les fêtes foraines.
Jusqu'en 2012, toutefois, les poissons rouges et les petits oiseaux échappaient à cette interdiction à Paris, grâce à un arrêté.
Cet arrêté a été partiellement annulé grâce à l'action en justice du Graal et de ses alliés, la Société nationale de défense des animaux, la Fondation 30 Millions d'amis et l’association Stéphane Lamart.
Mais les associations ne sont pas parvenues à faire bannir la vente de poissons rouges par les forains et ont encore été déboutées sur ce point par la cour administrative d'appel le 10 juin.
La faille juridique: il n'existe aucune définition officielle des "animaux de compagnie".
"Le problème, c'est que cette définition doit être établie par le ministère de l'agriculture, qui ne l'a pas fait", regrette l'avocate des associations de défense des animaux, Me Emmanuelle Varenne.
- 'Ridicule' -
Les gérants de la fête foraine des Tuileries à Paris, par exemple, de même que plusieurs mairies à travers la France, ont interdit la distribution de poissons rouges entre tir à la carabine et pêche au canard, décisions dont se félicitent les défenseurs des animaux.
Mais la plupart des forains, dont ceux de la Foire du Trône, ignorent qu'ils n'ont pas le droit de remettre un poisson rouge à un enfant qui a gagné un jeu. Et s'ils sont autorisés à lui vendre un poisson, ils n'appliquent pas les conditions prévues par la loi, dénonce Me Varenne.
Le forain, détaille l'avocate, doit déclarer son activité au préfet, mettre en place des installations conformes aux règles sanitaires animales et prouver qu'un moins une personne en contact avec les poissons a un certificat de capacité. "Il serait intéressant de demander au préfet la preuve que ces conditions sont respectées", ironise Me Varenne.
"Les contrôles devraient être opérés par le biais des préfectures, mais on n'en a jamais vu dans les fêtes foraines", constate Marie-Françoise Lheureux, qui déplore une règlementation pour le moins "bancale".
"C'est compliqué de mettre en évidence un mauvais traitement de la part des forains”, relativise Emmanuel Legay, vétérinaire au cabinet Vetofish, spécialisé dans l’aquaculture. Mais c'est un fait, un “poisson ne peut pas rester en plein soleil", explique-t-il, "dans un sac en plastique, il ne survit pas deux jours”. Les vétérinaires recommandent 50 litres d’eau par poisson, quantité difficilement respectée par les forains.
Les associations de défense animale s'affirment donc décidées à intensifier leur action dans des "cas flagrants de maltraitance".
Marcel Campion, président de l'association des forains, juge quant à lui leur combat "ridicule" et se demande si elles n'auraient pas mieux à faire. "Les forains ne sont pas là pour faire mourir les poissons, comme le disent les associations, argumente-t-il. Ils ont intérêt à le donner vivant. Les enfants sont heureux, ils sont contents".