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La semaine de Philippe Labro : Le jour j de "Rafa", le D-Day d’Elizabeth

Philippe Labro, écrivain, cinéaste et journaliste. [THOMAS VOLAIRE]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

 

DIMANCHE 8 JUIN 

Nadal emporte le tournoi de Roland- Garros pour la 9e fois – ce qui est sans précédent et qui n’arrivera sans doute plus.

Il y a eu quelque chose d’étrange dans cette victoire : pendant un moment, on a cru que Nadal allait perdre. Djokovic le domine totalement au cours du premier set. A voir les coups reçus, les fautes commises, les maladresses inattendues, l’impression d’une sorte de fatigue, comme un manque d’énergie, on se dit : "Ça y est, ce coup-ci, c’est cuit." Et puis, il se passe un phénomène insidieux mais irréversible : la volonté inouïe, la détermination quasi aveugle, quasi brutale, un processus d’accélération dans les longs échanges, font, peu à peu, renverser l’ordre des choses.

A un instant T, difficile à déterminer, un infime signe de domination mentale a fait basculer la partie. Il a suffi d’un rien. Mais ce rien était tout.

Les gens blasés me disaient, à la fin du match : "Ça devient monotone, c’est toujours la même chose." Vaste blague : demandez à "Djoko" ou à "Rafa" si c’était "la même chose". Ce n’est jamais pareil.

 

9-10 et 11 JUIN 

Nous voici embarqués dans la Brasilmania – et, quels que soient les résultats des Bleus, nous allons, par tous médias interposés, "manger du Brésil" pendant quelque temps.

Cela a déjà commencé : voici donc qu’à l’occasion de la Coupe du monde, on découvre, ou redécouvre, la cuisine, la mode, les filles, la terrible condition sociale d’une partie de la population, les mœurs d’un pays qui préfigure le monde de demain : métissé à 100 % – déchiré entre les plus pauvres et les plus riches.

 

12-13 JUIN 

Il y a une semaine, débutaient les cérémonies du 70e anniversaire du 6 juin 1944, le D-Day, le fameux Débarquement. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

Un bilan positif : à peu près aucune fausse note – des initiatives diplomatiques (Poutine, Obama, Ukraine, etc.), esquissées mais pas inutiles – et l’étonnement admiratif du public, des anciens combattants, de tous les chefs d’Etat, anciens et actuels, au spectacle de la reine Elizabeth II, vêtue de couleurs "so british", cette femme de 88 ans dont la présence et le comportement, ont été, en tous points, exemplaires.

Enfin, il faut se féliciter que ces cérémonies aient pu servir à des générations qui n’en savaient presque rien. Parmi tant de publications, films, reconsti­tutions, cartographies et découvertes d’images inédites, je veux distinguer deux livres.

D’abord, de Gilles Perrault, aux éditions Plon, "le Dictionnaire amoureux de la Résistance" – original et surprenant abécédaire des héros et accessoires de ce que fut la Résistance :"Le chapitre le plus romanesque de notre roman national." Cela va de A comme Abeille (il y a une merveilleuse citation de Jean Paulhan) à Z comme Zazous. Il y a tout : les chansons de l’époque – les martyrs – les détails de la vie quotidienne. C’est fait avec humour, tendresse, respect.

Et puis, raconté à la première personne, le court récit d’un des membres du célèbre commando Kieffer (177 Français qui furent intégrés au N° 4 Commando britannique du général Lovat). L’auteur de "J’ai débarqué le 6 juin 44" (éd. Cherche Midi) s’appelait Gwenn-Aël Bolloré. Depuis son départ nocturne sur une embarcation de fortune pour rejoindre l’Angleterre à 18 ans, jusqu’aux combats du 6 juin, c’est un des plus pas­sionnants témoignages vécus, sans littérature, avec sobriété et précision. C’est une "symphonie mystérieuse" – celle de l’héroïsme, sans vanité ni littérature. Fascinant. Et cette phrase finale : "Il en va des épopées comme des rêves. Peuvent-ils mourir ?" Eh bien, non. C’est la leçon de ce si beau livre. 

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