Les démêlés de BNP Paribas aux Etats-Unis ont fait une victime de premier plan avec le départ d'un haut dirigeant de la banque, dont les autorités américaines réclamaient la tête, et suscitent l'inquiétude de l'Union européenne.
Niant fermement tout lien avec cette affaire, BNP a annoncé jeudi le départ de Georges Chodron de Courcel qui "sera à sa demande déchargé dès le 30 juin de sa fonction de directeur général délégué de BNP Paribas", selon un communiqué.
Âgé de 64 ans, M. Chodron de Courcel prendra sa retraite trois mois plus tard, le 30 septembre, après 42 années passées à la BNP où il a réalisé l'ensemble de sa carrière, a précisé l'établissement.
Début juin, des sources concordantes avaient indiqué à l'AFP que BNP Paribas était sur le point de se séparer de M. Chodron de Courcel, pour tenter d'apaiser les Etats-Unis.
Selon la presse américaine, BNP Paribas est sous la menace d'une amende record de 10 milliards de dollars, voire d'une suspension de ses activités dans ce pays. La banque se voit reprocher d'avoir enfreint un embargo américain en réalisant des opérations en dollars avec des pays comme l'Iran ou le Soudan, entre 2002 et 2009.
Aucune poursuite judiciaire n'a été engagée outre-Atlantique contre la banque ou l'un de ses responsables, le litige faisant, comme il est de mise habituellement aux Etats-Unis, l'objet d'intenses négociations pour éviter d'en arriver aux tribunaux.
Mais le régulateur bancaire de New York, Benjamin Lawsky, avait demandé il y a plusieurs mois la tête de M. Chodron de Courcel, un des trois directeurs généraux délégués de BNP Paribas, a appris l'AFP la semaine dernière.
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Son départ constitue donc l'une des premières grandes concessions que l'établissement accepte de faire dans ces tractations.
Les autorités américaines auraient aussi obtenu la tête d'un autre de ses responsables, Vivien Lévy-Garboua, a indiqué jeudi à l'AFP une source proche du dossier.
Au total, M. Lawsky exigerait l'éviction d'une douzaine de banquiers associés aux opérations qu'il juge litigieuses, selon des sources concordantes.
En réponse, BNP Paribas aurait établi une liste sur laquelle ne figure pas le président du conseil d'administration, Baudouin Prot, dont le nom avait été un temps mentionné, selon les mêmes sources.
- Enjeu politique -
L'Union européenne est intervenue jeudi dans ce dossier, devenu un enjeu politique de premier plan.
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"Compte tenu de l'importance de ce cas et de l'importance de cette banque, (...) nous suivons attentivement la situation et nous souhaitons simplement que cette affaire soit instruite de manière proportionnée, équitable et objective", a déclaré le commissaire européen au marché intérieur Michel Barnier lors d'une conférence de presse à Washington.
La semaine passée, le président François Hollande avait lui mis en garde contre le risque d'une sanction "disproportionnée" et "injuste" tandis que le gouvernement agitait la menace de "conséquences négatives" sur les actuelles négociations commerciales entre Etats-Unis et Union européenne (TTIP).
Interpellé, son homologue américain Barack Obama a répondu qu'il ne se "mêlait pas" des affaires de justice.
Peut-être plus dommageable qu'une amende, la perspective d'une suspension provisoire de sa licence aux Etats-Unis a contraint BNP à prendre les devants dans un dossier où semble exister une véritable marge de négociation.
Les autorités américaines ont ainsi attribué en début d'année une autorisation d'opérer en Iran à la banque française, dans le cadre de l'allégement des sanctions prévu par l'accord intérimaire sur le nucléaire iranien signé en novembre, a indiqué mercredi le département du Trésor.
Le cours de bourse de BNP, qui n'avait provisionné qu'un peu plus d'un milliard de dollars en prévision du paiement de l'amende, n'a pas été affecté outre mesure par le montant dix fois plus élevé évoqué par la presse américaine.
Le groupe français n'est pas le seul établissement bancaire à être dans le viseur des enquêteurs américains qui s'intéressent notamment aux pratiques passées en matière de crédit immobilier de Bank of America. Cette dernière pourrait devoir payer jusqu'à 17 milliards de dollars de pénalités.
Plus d'une dizaine de banques américaines ont d'ailleurs payé depuis 2012 plus de 78 milliards de dollars en pénalités diverses.