Seyfaine est à 14 ans l'un des dix plus jeunes candidats de France au bac 2014. Le lycéen, qui a grandi dans une cité de Grenoble, veut profiter de ce début de notoriété pour montrer que "dans les quartiers, il y a des gens bien".
Ni timide, ni spécialement extraverti, petites lunettes rectangulaires et baskets aux pieds, il parle d'un ton assuré, en faisant rouler un ballon de football dans le jardin. Né le 15 décembre 1999, il a grandi à la Villeneuve, un quartier sensible de Grenoble marqué par des émeutes en 2010 et un discours virulent de Nicolas Sarkozy, sur la sécurité et l'immigration, qui s'ensuivit.
C'est dans une école maternelle de ce quartier que Seyfaine "a été détecté par la prof de petite section", raconte sa mère Assia, 44 ans, la chevelure voilée. "C'est elle qui nous a convoqués pour dire qu'il savait lire. Moi je voyais juste qu'il assemblait des syllabes", raconte-t-elle.
Seyfaine passe un test qui le montre très en avance pour son âge. Il saute une classe, deux, puis trois. "Toutes les institutrices ont été géniales avec lui, ont pris en compte sa différence, alors qu'on entend souvent dire que l'Education nationale a du mal à s'adapter", raconte son père Naoufel, 47 ans, ancien directeur de la MJC de la Villeneuve.
A huit ans, l'enfant fait son entrée au collège. "Là, on a eu un peu peur", reconnaît son père. "Il fallait qu'il prenne le bus tout seul. On a sollicité une voisine pour qu'elle vérifie qu'il descende bien au bon arrêt", raconte-t-il.
- Médecin dans l'humanitaire -
Les parents assurent n'avoir rien fait de particulier pour "stimuler" l'intelligence de leur fils. "On répondait à sa soif d'apprendre", dit Assia. Surtout, elle et son mari souhaitaient qu'il soit "un enfant comme les autres". "On essaie qu'il soit sociable, qu'il aide ses copains quand ils ont des soucis", affirme son père.
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Bien que la famille habite depuis 2005 un petit lotissement à flanc de montagne à Notre-Dame-de-Mésage (Isère), Seyfaine semble toujours très attaché à la Villeneuve, où il va tous les samedis voir sa grand-mère. "C'est un quartier, et je veux montrer que dans les quartiers, il y a des gens bien", dit-il.
Avec 14 de moyenne en terminale, il vise la mention bien puis la fac de médecine. Mais assure n'avoir "rien fait en particulier", ne pas se souvenir "de quand j'étais petit, quand j'ai sauté les classes".
Fan du footballeur brésilien du FC Barcelone Daniel Alves, il n'a pas de poster dans sa chambre, mais les noms de prophètes de l'islam sur un des murs. "Quand je peux apprendre le Coran, je l'apprends", dit-il.
Au lycée, il affirme ne pas souffrir de la différence d'âge avec ses camarades de classe, sauf "quand ils se mettent à parler de politique ou de trucs comme ça, moi ça me dépasse un peu".
Plus tard, Seyfaine aimerait être "médecin dans l'humanitaire", "en Afrique subsaharienne, ou même en Birmanie ou dans les pays d'Asie du sud-est". "Il y a beaucoup d'inégalités sociales, ils ont pas d'eau, pas de vaccin, ils ont presque rien. Du coup, je pense que c'est un devoir de les aider", dit-il.
Depuis que les médias s'intéressent à lui, "des gens émus, amis de la famille, nous appellent pour nous dire: c'est bien", raconte son père, ravi de pouvoir "montrer une image positive" des "musulmans pratiquants", enfants d'immigrés "de la 2e ou 3e génération".
Le plus jeune candidat au bac a seulement 13 ans. Mais ses parents n'ont pas souhaité parler à la presse.