Près de 37 ans après la disparition d'Agnès Le Roux, héritière d'un casino niçois, Maurice Agnelet, condamné à 20 ans de prison pour le meurtre de la jeune femme, comparaît ce lundi pour quatre semaines devant les assises à Rennes, énième épisode d'une saga judiciaire sans précédent.
"J'attends de ce procès que jaillisse la vérité", a déclaré à l'AFP le frère d'Agnès Le Roux, Jean-Charles, sûr avec ses soeurs de la culpabilité d'Agnelet, aujourd'hui âgé de 76 ans.
Acquitté en 2006 du meurtre de sa maîtresse, disparue en 1977, Maurice Agnelet avait été condamné un an plus tard en appel à 20 ans de réclusion criminelle par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône.
Le rejet de son pourvoi par la Cour de cassation devait signer la condamnation définitive de cet ancien avocat. Il devait aussi mettre un terme à cette affaire qui constitue une des plus grandes énigmes judiciaires et qui a défrayé la chronique sur la Côte d'Azur, en proie au moment de la disparition d'Agnès Le Roux, héritière du casino du Palais de la Méditerranée à Nice, à "la guerre des tapis verts".
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Mais la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a estimé que Maurice Agnelet n'avait pas bénéficié d'un procès équitable. La Cour notait aussi que "le meurtre n'était pas formellement établi et que le lieu, le moment et les modalités du crime restaient inconnus". La voie vers un troisième procès était ouverte.
Remis en liberté sous contrôle judiciaire après avoir passé cinq ans en prison, M. Agnelet, qui a toujours clamé son innocence, fera face aux jurés de la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine, statuant en appel. Le procès, qui verra défiler plus de 40 témoins, s'étalera sur quatre semaines. Agnelet encourt la perpétuité.
Faute de preuves, "à la justice française de suivre la voie de la CEDH", affirme en substance l'avocat de Maurice Agnelet, François Saint-Pierre, selon lequel son client est "un homme fatigué, qui ne s'est pas remis de ses cinq ans de prison".
- Guerre des casinos -
Les faits remontent au 30 octobre 1977, à la veille du week-end de la Toussaint. Agnès Le Roux, 29 ans, part dans l'arrière-pays niçois au volant de son 4X4. Personne ne l'a revue et son véhicule n'a jamais été retrouvé.
Quatre mois plus tôt, elle avait été à l'origine d'un séisme au sein de sa famille. En conflit avec sa mère, qui gère le casino familial, elle vend subitement ses parts à Jean-Dominique Fratoni, patron du Ruhl, le féroce concurrent également situé sur la promenade des Anglais.
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C'est Maurice Agnelet qui a mis en contact le patron du Ruhl et sa maîtresse, laquelle touche pour ses parts 3 millions de francs (457.347 euros). Une somme versée sur un compte joint au nom des deux amants à Genève. Après la disparition d'Agnès, l'argent est retrouvé sur un compte à Genève au seul nom d'Agnelet, détournement pour lequel il a été condamné.
Après six ans d'enquête, l'ancien avocat est inculpé d'homicide volontaire. Mais en 1985, il bénéficie d'un non-lieu, confirmé en appel.
Coup de théâtre: en 1999, une autre maîtresse d'Agnelet au moment des faits, qui lui avait fourni un alibi pour la Toussaint 1977, se rétracte. Le revirement de celle qui était devenue sa femme - avant un divorce - relançait la procédure et ouvrait la voie à la succession de procès.
"La justice s'est acharnée, malgré le manque de preuves", tonne l'avocat d'Agnelet, qui va demander dès l'ouverture des débats l'annulation de la convocation en justice de son client.
"L'absence de corps est la principale difficulté de ce dossier", reconnaît Jean-Charles Le Roux. "Mais nous, on considère qu'il a tué Agnès et fait disparaître le corps", bien qu'elle ait fait deux tentatives de suicide avant sa disparition.
Pour lui, les charges contre Agnelet sont "accablantes". "Nous souhaitons qu'il s'explique, c'est l'occasion ultime, mais il est dans le déni total et dans le mensonge".