La société française Carmat a mis en garde mardi contre toute conclusion hâtive après le décès du premier patient ayant bénéficié de l'implantation de son coeur artificiel et maintient son programme d'essais, tandis qu'un spécialiste a souligné la portée "incontestablement positive" de cette première.
L'Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) a annoncé lundi soir le décès du premier malade à avoir bénéficié d'un coeur artificiel Carmat, 75 jours après l'opération d'implantation.
"Il est bien sûr prématuré de tirer des conclusions à partir d'un seul patient", a déclaré à l'AFP par courriel une représentante de cette société de biotechnologie cotée en Bourse de Paris.
Carmat a mis en avant le fait que la première phase d'essais cliniques sur son coeur artificiel innovant, destinée à tester la sécurité de la prothèse, prévoyait comme critère d'évaluation la survie du patient 30 jours après l'implantation.
Carmat a dans la foulée confirmé prévoir d'implanter au total quatre patients "n'ayant pas d'alternative à l'implantation d'un cœur artificiel" dans le cadre de cette première phase d'essais, dont le malade de 76 ans opéré en décembre.
Cet homme, souffrant d'une insuffisance cardiaque terminale, est décédé dimanche, 75 jours après l'opération, a annoncé l'HEGP, précisant que les causes de la mort "ne pourront être connues qu'après analyse approfondies des nombreuses données médicales et techniques enregistrées".
Le Pr Yves Juillière, président de la Société française de cardiologie (SFC), a estimé que cette première avec une survie de 75 jours était "incontestablement positive".
"Du point de vue de la prothèse, c'est un succès. Je ne pense pas que le décès du patient puisse remettre en cause l'intérêt du coeur artificiel", a-t-il déclaré à l'AFP.
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Le Pr Daniel Duveau (CHU de Nantes), qui a participé à l'implantation en décembre avec le Pr Christian Latrémouille, a expliqué sur le site internet du journal La Dépêche que le patient avait "souffert de difficultés sur le plan respiratoire".
"Je pense que tout cela a malheureusement abouti au décès", a déclaré le spécialiste, suggérant ainsi que le coeur artificiel n'était pas la cause directe du décès du patient.
- Cotation suspendue à la Bourse -
La société Carmat, dont le titre a été suspendu de la cotation mardi matin, s'est abstenu de tout commentaire à ce sujet et a souligné qu'elle ne prévoyait "pas de communiquer sur les résultats de l'étude tant que l'implantation et le suivi à 30 jours des quatre patients prévus ne seront pas finalisés".
De source proche de Carmat, on souligne qu'il n'était pas prévu à l'origine du communiquer sur cette première implantation et qu'une fuite en décembre dans les médias l'y avait obligé.
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La société a tenu mardi à "saluer le courage et le rôle pionnier de ce patient et de sa famille et le dévouement de l'équipe médicale".
Marcello Conviti, directeur général de Carmat, avait indiqué en janvier par courriel à l'AFP qu'il espérait "dans les prochaines semaines" l'implantation d'un second patient.
A l'issue de la première phase avec son total de quatre patients, une seconde phase d'essais est prévue avec une vingtaine de malades pour analyser en plus de la survie les "aspects qualitatifs d'efficacité" de la prothèse.
L'objectif sera cette fois la survie des patients à six mois. Carmat compte ensuite soumettre un dossier pour obtenir le marquage CE, étape essentielle pour la commercialisation, que la société espère franchir "courant 2015".
Le coeur artificiel Carmat se présente comme le premier "coeur artificiel implantable, total, biologique et définitif". Il remplace totalement la pompe cardiaque.
Contrairement à ses prédécesseurs, il n'est pas destiné à faire patienter un malade avant une greffe cardiaque et est recouvert à l'intérieur de "biomatériaux" tiré de tissus animaux.
Cette dernière caractéristique est essentielle pour éviter que le sang --comme il le fait sur des surfaces étrangères-- ne forme des caillots.
Jusqu'à présent, l'implantation de "coeurs artificiels" devait être accompagnée de traitements anti-coagulation lourds, ayant pour gros inconvénient d'accroître fortement les risques d'hémorragies.