L'énigme de Chevaline (Haute-Savoie) n'est "toujours pas élucidée" selon le procureur d'Annecy, qui soupçonne un ancien policier municipal, interpellé la veille, d'être un trafiquant d'armes, à défaut de pouvoir le relier à la tuerie.
La garde à vue de cet homme de 48 ans, dont la ressemblance avec un portrait-robot diffusé en novembre a conduit à son interpellation par les gendarmes, peut durer jusqu'à samedi.
Mais il est "peu envisageable" qu'à terme, il soit mis en examen pour le quadruple meurtre du 5 septembre 2012, a dit Éric Maillaud. Une information judiciaire pour trafic d'armes va être ouverte, dans le cadre de laquelle il devrait être déféré avec un ami, passionné d'armes comme lui, également interpellé mardi après avoir tenté d'échapper aux gendarmes.
Pour le procureur, à ce stade, "rien ne permet de faire un lien direct" entre l'ex-policier municipal de Menthon-Saint-Bernard et la tuerie, ou ses différentes victimes - qu'il s'agisse des membres de la famille britannique al-Hilli ou du cycliste français Sylvain Mollier.
Son ADN ne correspond pas à celui de deux profils inconnus retrouvés sur la scène de crime. Un pistolet Luger a bien été découvert lors de perquisitions mardi, parmi une quarantaine d'armes, grenades, explosifs et détonateurs, mais il ne correspond ni au modèle, ni au calibre de celui utilisé par le meurtrier de Chevaline.
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De même, les gendarmes ont saisi une moto et deux casques, mais qui ne collent pas avec ceux d'un mystérieux motard aperçu par des témoins, le jour du drame, à proximité de la scène de crime.
Motard dont la description avait permis de diffuser, en novembre, le portrait-robot d'un homme casqué et portant le bouc, avec lequel l'ancien policier présente "une forte ressemblance".
- 'Tempérament un peu violent' -
Marié, père de trois enfants, cet ex-policier municipal a été interpellé mardi alors qu'il sortait de chez lui à Talloires, commune proche du lieu de la tuerie.
L'examen de son téléphone portable montre qu'il a pu être présent sur les lieux. Mais cela peut aussi s'expliquer par le fait que ses beaux-parents habitent Chevaline.
Passionné par la Seconde guerre mondiale et le Luger, l'homme est un collectionneur d'un "tempérament un peu violent", qui a été qualifié de "raciste" par certains habitants de Menthon-Saint-Bernard, selon le procureur.
"Sur les dernières années, des habitants se sont plaints de son attitude (...) Il avait menacé des touristes", a dit le magistrat, évoquant des "propos violents et agressifs", mais pas d'agression physique.
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Sans casier judiciaire, l'homme a retrouvé un emploi dans une société de sécurité à Genève. Il acquérait des armes en Suisse ou sur des sites internet. Un retraité venu rendre visite à son épouse, mercredi matin à Talloires, l'a décrit comme "un mec très bien" avec lequel il chassait.
Plusieurs perquisitions ont eu lieu dans trois départements différents. Des proches de l'ex-policier ont été entendus et une confrontation devait avoir lieu avec les agents de l'office national des forêts dont le témoignage a permis d'établir le portrait-robot.
Le procureur a indiqué qu'il envisageait de requérir la détention provisoire à l'encontre des suspects, rappelant que le trafic d'armes est passible de 10 ans de prison. Au-delà des armes de collection, "ce sont les détonateurs et les munitions qui me posent davantage question", a souligné M. Maillaud.
Ces arrestations, les premières en France dans cette affaire, interviennent alors que la justice privilégiait jusqu'ici la piste d'un conflit familial autour d'un héritage disputé.
Le 5 septembre 2012, en vacances dans la région, Saad al-Hilli, 50 ans, ingénieur britannique d'origine irakienne travaillant dans l'aéronautique et la défense au Royaume-Uni, sa femme de 47 ans et sa belle-mère de 74 ans, avaient été tués de plusieurs balles dans leur voiture, sur une petite route forestière proche de Chevaline.