Le 11 février 2013, Benoît XVI renonçait à sa charge. Un an après, le père Matthieu Rougé analyse les conséquences de cet événement.
Curé de l’église Saint-Ferdinand des Ternes à Paris (XVIIe) et professeur au collège des Bernardins, le père Rougé vient de publier « L’Eglise n’a pas dit sont dernier mot – Petit traité d’anti-défaitisme catholique » (Robert Laffont). Ancien responsable du Service pastorale d’études politiques (SPEP), il livre à DirectMatin.fr son regard sur une année particulièrement riche et complexe.
>>> Quels enseignements l’Eglise tire t-elle de la renonciation de Benoît XVI ?
La décision du pape avait soulevé de nombreuses questions. Aujourd’hui, on ne peut que constater que la transition s’est opérée de façon tranquille. La présence silencieuse et priante de Benoît XVI ne gène aucunement son successeur dont on connaît la forte personnalité.
>>> Distinguez-vous un héritage de Benoît XVI chez le pape François ?
Ce sont des personnalités très différentes mais il n’y a pas de rupture entre eux. Certes, l’un est austère et réservé, tandis que l’autre est enthousiaste et affable. Mais les deux hommes partagent une profonde exigence spirituelle. Cette exigence spirituelle – pour eux-mêmes et pour l’Eglise – est la source essentielle de leur rayonnement.
>>> Avez-vous été surpris par le retentissement planétaire de cette transition ?
Ce qui a été frappant, c’est que Benoît XVI, le « mal-aimé » des médias, a déclenché en effet une émotion mondiale en annonçant sa renonciation, en latin qui plus est. De même, l’élection de son successeur a été suivie avec une grande ferveur. En dépit des critiques venues de l’extérieur et de l’intérieur, l’Eglise continue de susciter un intérêt général.
>>> Comment expliquez-vous cet intérêt persistant dans des pays sécularisés comme la France ?
Notre société est moins sécularisée qu’on ne l’imagine et demeure marquée par des références chrétiennes. On y constate de profondes attentes spirituelles, notamment à l’égard de l’Eglise catholique.
>>> Les relations entre les chrétiens de France et le pouvoir sont difficiles actuellement. Quelle est votre analyse ?
Beaucoup de chrétiens ont pris une conscience plus vive de la nécessité de s’engager dans la cité, ce qui est réjouissant. Les crispations laïcistes actuelles sont des réactions à la recomposition du rapport au religieux en France. On a voulu faire comme si la religion n’existait pas et l’on se rend à l’évidence aujourd’hui : elle est toujours là.
>>> La tension que l’on constate depuis plus d’un an est forte. Cela vous inquiète t-il ?
J’ai le sentiment que nous assistons à la « crise d’acné » d’une société adolescente, façonnée par le christianisme et qui veut soudainement se couper de ses racines sans se rendre compte des dangers qu’elle court ainsi. J’espère et je pense que cette phase débouchera sur une période plus paisible, mais une perte d’équilibre n’est pas à exclure.
>>> Quelle en serait la forme ?
La disparition d’une saine laïcité en raison de son durcissement nuirait à la paix de notre société. La laïcité, on le sait, est issue du christianisme. Or en sapant le christianisme – on parle de supprimer des fêtes chrétiennes, on veut interdire certains signes d’appartenance religieuse – c’est la laïcité que l’on sape. Le pire adversaire de la laïcité, c’est le laïcisme.
>>> Votre livre se veut néanmoins résolument optimiste. Pour quelles raisons ?
Je constate un renouveau – quantitativement limité mais significatif – de la foi. Les chrétiens sont attendus dans les domaines les plus variés, comme la culture par exemple. De même, je suis frappé par l’engagement de nombreux chrétiens en faveur des plus pauvres. C’est un signe de vitalité qui ne demande qu’à prendre son essor, à conditions que les chrétiens sortent du défaitisme qui est souvent le leur. C’est d’ailleurs une des invitations récurrentes du Pape François.
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