Les soins dentaires coûtent cher: peu remboursés par l'assurance maladie, ils font souvent l'objet de "pratiques tarifaires excessives" voire de "dérives inacceptables", ce qui peut conduire à renoncer aux soins, souligne lundi une étude publiée par 60 millions de consommateurs.
Après une visite chez le dentiste, la somme qui reste à la charge des patients constitue la "principale raison de renoncement aux soins auquel déclare être confronté près du tiers des consommateurs", relève cette étude.
Même après l'intervention des complémentaires santé, ce reste à charge est "élevé", selon elle.
"L'assuré est le dindon de la farce", a affirmé Thomas Laurenceau, rédacteur en chef de 60 millions de consommateurs lors d'une conférence de presse, invitant les patients à réclamer des devis et "à négocier" pour éviter "les petits arrangements malsains sur le dos de la Sécu".
L'étude, au sommaire du numéro de décembre du magazine, a été réalisée à partir de données de la Sécurité sociale par l'Observatoire citoyen des restes à charge en santé, créé par 60 millions de consommateurs, le CISS, collectif d'associations de patients, et Santéclair, filiale de plusieurs complémentaires santé.
Tous trois ont indiqué avoir interpellé l'assurance maladie, notamment sur les contrôles des tarifs.
Principaux soins incriminés: les prothèses, comme les couronnes, bridge, inlay ou reconstitutions, qui en 2012 ont représenté 5 milliards d'euros de dépenses, dont un milliard seulement est remboursé par l'assurance maladie.
Après remboursement de la Sécu, le patient doit débourser plus de 290 euros en moyenne par acte de prothèse, avec des variations en fonction des départements.
Peu de dépassements sur les soins courants
Cette somme peut être remboursée par les complémentaires mais "il est très difficile d'avoir une estimation précise de leur niveau de prise en charge global", souligne l'Observatoire.
Selon l'étude, le coût d'une couronne céramo-métallique dépasse 600 euros, alors que la prise en charge de l'assurance maladie n'est que de 75,25 euros.
Pour la pose d'un implant, peu remboursé, le coût moyen est supérieur à 2.000 euros.
Dépassements "illégaux" sur les soins courants
Plus grave, il existe dans certains cas des solutions moins onéreuses mais peu adoptées par les dentistes.
Cette "dérive préoccupante" concerne notamment les inlay-core, des reconstitutions partielles de dents apposées sous couronne.
Pour ce dispositif, élaboré par des prothésistes dentaires, le praticien fixe librement ses honoraires, qui varient entre 150 à 300 euros (la Sécu rembourse 70% de 122,55 euros).
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Pourtant une alternative, la reconstitution "au fauteuil", présente l'avantage d'être moins chère car elle est fabriquée par le dentiste à un prix fixé par la Sécurité sociale: 79,53 euros, soit un reste à charge de 24 euros pour l'assuré.
Syndicats et assurance maladie reconnaissent que la qualité des deux techniques se valent mais les reconstitutions à tarifs libres se développent: "la situation a même empiré et on assiste à une réelle généralisation des inlay-core", souligne 60 millions de consommateurs.
En revanche, l'Observatoire constate que les soins courants (carie, dévitalisation, détartrage, etc.), dont les tarifs sont encadrés par l'assurance maladie, font peu l'objet de dépassements, en dehors de Paris (57% des dépassements).
Cependant, ces dépassements "illégaux" ont représenté 34 millions d'euros en 2012: "cela nous a beaucoup étonnés parce qu'il ne doit normalement pas y avoir de dépassements sur ces soins au tarif opposable (tarif Sécu)", a indiqué Claude Rambaud, présidente du CISS.
"La soins conservateurs ne sont peut-être pas assez rémunérés et on pourrait revoir les tarifs", reconnaît-elle.
Les dentistes affirment que les tarifs de la Sécu ont été peu revalorisés ces dernières années, ce qui les conduit à "compenser" sur les actes à honoraires libres.
Autre traitement pointé du doigt, l'orthodontie qui a représenté en 2012 plus d'un milliard d'euros, dont près de 80% sont des dépassements d'honoraires.
Ce type de traitement, qui se pratique le plus couramment par semestre, est d'autant plus coûteux qu'il peut durer jusqu'à trois ans: "c'est vraiment un moment qui coûte cher aux familles" selon M. Laurenceau.
Il a été facturé en moyenne 650 euros par trimestre l'an dernier, avec de fortes variations géographiques: près de 1.000 euros en moyenne à Paris contre 400 en Ariège.
Or la Sécurité sociale rembourse 193,50 euros par semestre si le traitement débute avant 16 ans.