A Calais, la question des nombreux clandestins décidés à passer en Angleterre "dépasse totalement" la mairie, tiraillée entre un soutien aux associations d'aide aux migrants et une volonté d'en finir avec les squats pour calmer le mécontentement des riverains.
"La ville subit quelque chose qui la dépasse totalement et qui doit se traiter au plus haut niveau de l'Etat et au niveau européen", explique Philippe Mignonet, adjoint à l'environnement et aux transports, chargé du "dossier immigration".
Il espère la venue prochaine du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, afin qu'il prenne "conscience, sur le terrain, de la réalité des choses".
Mais cet adjoint à la maire UMP, Natacha Bouchart, prévient: "Même des associations disent +Attention, ne mettez pas en place des structures d'accueil qui seraient de véritables lieux d'aspiration+".
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"Là où aujourd'hui on a, en fonction des semaines, 200, 300, 400 ou 500 migrants, demain on connaîtra ce qu'on a connu à l'époque de la +jungle+ (vaste camp démantelé en 2009) ou de Sangatte (centre d'accueil fermé en 2002). Cela montait aux alentours de 2.000!", rappelle-t-il.
"Nous subissons une politique de l'immigration britannique ubuesque, pour ne pas dire hypocrite. Les Britanniques disent +Nous ne voulons pas d'immigration chez nous+ mais ils ne mettent aucun moyen pour lutter contre le travail au noir. Environ deux millions de personnes travaillent au noir sur le territoire britannique!", affirme M. Mignonet.
Pour Philippe Wannesson, de l'association la Marmite aux idées, tous les migrants qui sont à Calais "veulent aller en Angleterre. Ils ont l'impératif de la famille" et le regroupement familial y est facilité.
"A chaque fois, les chiens (policiers) me trouvent", soupire Michal, Syrien de 24 ans qui annonce 40 tentatives en essayant de se cacher dans un camion.
Son compatriote Ali, 38 ans, dont la femme et les quatre enfants vivent en Egypte, a été à deux pas de l'Eldorado. Il avait réussi à se cacher sur un ferry avec un compagnon. "Le passeur m'avait dit +Une fois que tu es dans les eaux territoriales, tu es arrivé+".
Sûrs d'eux, ils sont sortis de leur cachette. Mais au moment d'accoster, un interprète leur a dit au téléphone depuis le port: "Vous n'avez pas encore franchi la frontière". Ils ont été renvoyés à Calais.
"Une grande volonté de les rendre invisibles"
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"Notre travail est d'améliorer leurs conditions en France", explique Philippe Wannesson, pas vraiment favorable, lui, à une éventuelle venue de Manuel Valls: "Je l'imagine mal contredire ce qu'il dit sur les Roms..."
Il y a en permanence 300 à 350 migrants à Calais, selon la préfecture du Pas-de-Calais. Les associations estiment qu'ils sont environ 500. "Afghans, Albanais, Syriens, Erythréens, Ethiopiens, Somaliens, Irakiens, Iraniens, Soudanais, Tchadiens, Maliens et Kurdes", énumère Mariam Guerey, du Secours catholique.
Ils occupent des squats ou, comme plusieurs Syriens, vivent dans des tentes sur une friche du port. Plusieurs de ces Syriens avaient tenté début octobre, sans succès, d'obtenir leur billet pour la Grande-Bretagne en occupant une passerelle du terminal ferry. Mais les Britanniques n'avaient pas cédé.
Natacha Bouchart a récemment invité sur Facebook les Calaisiens à signaler "tout squat". "J'ai voulu un peu bousculer pour que les services du gouvernement puissent prendre en compte notre problématique", a expliqué la maire.
"Des riverains qui ont des squats à côté de chez eux en ont marre", assure Philippe Mignonet.
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Le Secours catholique dispose d'un local, mis à disposition par la mairie, où les migrants peuvent venir boire un café, prendre des cours de français ou se renseigner sur les demandes d'asile. Mais ces dernières sont très rares, explique-t-on à la préfecture. Les migrants ne veulent pas demander l'asile en France car ils ne pourraient plus le demander au Royaume-Uni, selon le règlement "Dublin II".
La mairie a aussi permis un accès à des douches pour les migrants. Mais pour Mariam Guerey, ce n'est pas suffisant: "Il n'y a que sept douches et elles sont loin. Il y a une grande volonté de rendre (les migrants) invisibles".