Les stations de ski, en pleine campagne de recrutement, offrent des occasions rares aux jeunes sans diplôme de se faire une place sur le marché du travail, mais la concurrence avec les plus qualifiés s'exacerbe vu le fort taux de chômage.
Visage d'ange et bonne "tchatche", Simon, 20 ans, originaire de Lozère, espère convaincre un restaurant d'altitude de lui laisser sa chance comme commis de cuisine.
Après plusieurs échecs au bac, le jeune homme qui s'est présenté au forum de la saisonnalité, organisé la semaine dernière à Albertville, a déposé une dizaine de CV parmi les quelque 200 entreprises présentes.
"Je sais qu'en station, j'ai une vraie chance de travailler même si je n'ai pas de diplôme, ce qui n'est pas le cas ailleurs", déclare-t-il lucide.
Le jeune homme souhaite apprendre le métier "sur le tas", afin d'ouvrir un jour, "pourquoi pas", son restaurant et de contrarier les statistiques.
Selon un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques publié en juin, le taux de chômage des jeunes qui n'ont pas terminé le lycée est presque trois fois plus élevé (13%) que celui des diplômés de l'enseignement supérieur (5%).
Pour Pierre, 26 ans, qui s'était vu confier il y a quatre ans un poste derrière les fourneaux sans aucun diplôme en la matière, les emplois saisonniers sont de vrais "tremplins".
"J'ai commencé comme plongeur, puis j'ai dû remplacer au pied levé un cuisinier", commente ce Lyonnais qui, depuis, renouvelle les expériences dans le domaine.
"Les besoins sont tels que les entrepreneurs doivent pour partie baisser leurs exigences afin d'être au complet, ce qui permet à tout le monde d'en profiter", acquiesce la directrice de Pôle emploi à Albertville, Karine Blandino-Coutantic.
La Savoie embauche chaque hiver 30.000 saisonniers dans ses stations (de femme de chambre à serveur en passant par les loueurs de skis), payés au SMIC pour les emplois sans qualifications particulières, des postes qui incluent pour la plupart logement, nourriture et forfait de ski à prix cassé, rapporte l'agence pour l'emploi.
Voiturier-bagagiste polyglotte
Les opportunités laissées jusqu'ici aux jeunes sans diplôme tendent cependant, en période de crise, à diminuer avec l'arrivée de postulants bardés d'examens qui échouent à trouver un emploi à la hauteur, reconnaissent recruteurs et Pôle emploi.
Parlant huit langues, du russe au suédois en passant par l'italien, un Finlandais a déposé son CV pour devenir voiturier-bagagiste, témoigne, encore abasourdie, Ophélie Juillard, directrice d'un hôtel à Courchevel.
"Plus que les diplômes, c'est l'expérience que l'on recherche", explique-t-elle derrière son stand, séduite pour le poste de réceptionniste par le parcours d'une jeune diplômée d'une école supérieure de commerce qui a déjà connu le monde du travail.
Les responsables d'un hôtel de Val Thorens qui, en fin de journée, ont enregistré 35 candidatures pour quatre offres d'emploi, donneront eux aussi la priorité à ceux qui ont de l'expérience, avec une attention particulière pour leurs projets.
"C'est important de fidéliser notre personnel par rapport à notre clientèle. On leur demande toujours ce qu'ils envisagent de faire après, pour voir s'ils envisagent de rester", explique la directrice de l'établissement, Sylvie Dargaud-Greffet.
"Longtemps, être saisonnier était vu comme quelque chose de péjoratif. Aujourd'hui ce n'est plus le cas, on peut faire carrière", affirme-t-elle.
A 38 ans, avec un BTS de commerce international, Marie-Pierre qui travaille depuis dix ans en station comme réceptionniste est plus amère.
"J'ai postulé pour plusieurs CDI dans d'autres domaines, sans succès. Pour les recruteurs, être saisonnier est synonyme d'instabilité", déplore cette habitante d'Albertville.
"Chaque année, il y a de plus en plus de postulants et les recruteurs sont chaque fois plus exigeants", remarque-t-elle, "déprimée" à la vue de la quarantaine de cars affrétés par des missions locales dans toute la France.