L'octuple infanticide de Villers-au-Tertre (Nord) est-il prescrit et Dominique Cottrez, qui a reconnu les crimes découverts en juillet 2010, doit-elle être jugée devant la cour d'assises du Nord pour assassinats? La Cour de cassation doit trancher mercredi.
Jusqu'alors, la justice a répondu par la négative à la première question, par l'affirmative à la seconde.
La révélation de cette affaire, la plus importante en matière d'infanticide connue en France, avait créé la stupeur dans ce village du Nord et l'afflux de la presse du monde entier.
La défense de Mme Cottrez soutient que le délai de prescription, de dix ans en matière criminelle, doit commencer à partir de la commission des faits. Ses avocats Marie-Hélène Carlier et Frank Berton s'appuient sur des expertises qui datent la naissance de sept enfants avant mai 2000, soit plus de dix ans avant la découverte des premiers corps le 24 juillet 2010, un "doute" subsistant pour le huitième bébé, né entre mai et septembre 2000, selon les experts.
Le 7 juin dernier, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai (Nord) a confirmé le renvoi de Mme Cottrez devant les assises.
Pour écarter la prescription, les magistrats douaisiens ont retenu en octobre 2011 la notion d'infraction dissimulée, selon laquelle le délai de prescription ne commence qu'à partir de la découverte des faits.
La chambre de l'instruction avait estimé que "le secret entourant les naissances et les décès concomitants, secret qui a subsisté jusqu'à la découverte des corps des victimes, a constitué un obstacle insurmontable à l'exercice de l'action publique".
"Dissimulation"
Mais pour l'avocate de Mme Cottrez devant la Cour de cassation, Me Claire Waquet, qui a plaidé le 10 octobre devant la chambre criminelle réunie en formation plénière, le juge d'instruction et la chambre de l'instruction ont confondu deux notions différentes.
"Ils font de la dissimulation un obstacle insurmontable" à l'exercice de l'action publique, a-t-elle plaidé, estimant qu'il n'y a dans ce dossier ni l'un ni l'autre.
Selon Me Waquet, ce n'est pas d'une volonté de dissimulation de la part de sa cliente qu'il s'agit, mais "surtout de mutisme" et "d'incuriosité, d'indifférence" dans son entourage.
Malgré plusieurs demandes du parquet de Douai, le mari de Mme Cottrez n'a jamais été poursuivi.
La forte corpulence de cette femme, qui exerçait la profession d'aide-soignante, avait rendu ses grossesses indécelables, que ce soit auprès de ses proches ou même de ses médecins.
Deux corps avaient d'abord été découverts dans des sacs en plastique enfouis à l'ancien domicile des parents de Mme Cottrez, où elle avait elle-même vécu avant son mariage. Six autres corps avaient ensuite été trouvés dans le garage de la maison où elle vivait avec son mari.
Devant la juge d'instruction, Mme Cottrez avait expliqué avoir subi des faits d'inceste et avoir agi par crainte que les enfants ne soient de son propre père, mort en 2007.
"La prescription est là pour couvrir de son manteau les infractions totalement silencieuses, c'est le risque accepté par le législateur", a-t-elle argué.
Préconisant le rejet du pourvoi de Mme Cottrez, l'avocat général Xavier Salvat avait quant à lui estimé qu'il y avait bien eu des "manoeuvres de dissimulation". Selon lui, Dominique Cottrez a pendant l'instruction admis avoir caché les bébés et simulait d'avoir des cycles normaux et "une vie normale".
En outre, l'expertise sur laquelle s'appuie la défense de Mme Cottrez "ne fait à elle seule preuve dans le dossier", avait relevé M. Salvat, soulignant qu'il est "vraisemblable", au vu des déclarations de Mme Cottrez, que le dernier crime soit survenu après le 25 juillet 2000, même s'il est difficile de dater de manière certaine le dernier décès.
Après deux ans passés en détention provisoire, Mme Cottrez a été remise en liberté le 2 août 2012 et placée sous contrôle judiciaire.