En direct
A suivre

Résistance aux herbicides, faux OGM mais vraies craintes

Une photo prise le 23 janvier 2012 montre des grains de maïs génétiquement modifiés MON 810 de Monsanto [Eric Cabanis / AFP/Archives] Une photo prise le 23 janvier 2012 montre des grains de maïs génétiquement modifiés MON 810 de Monsanto [Eric Cabanis / AFP/Archives]

Parler d'OGM "cachés" à propos de cultures tolérantes aux herbicides comme l'ont fait une dizaine d'ONG irrite les producteurs et le monde de la recherche, même si le risque de résistance constitue une préoccupation bien réelle.

En plein débat sur l'avenir du maïs MON810, interdit de fait en France depuis 2008 comme toutes les cultures génétiquement modifiées, dix organisations de défense de l'environnement ont dénoncé cette semaine la présence en champs de variétés de colzas et tournesols tolérantes aux herbicides (VTH) qu'elles considèrent comme des "OGM cachés" et qui, d’après elles, échapperaient ainsi au moratoire.

Jeudi le Conseil d’État a invalidé la suspension de la culture du maïs OGM herbicide de Monsanto, le MON810 mais le ministre de l'Agriculture a clairement laissé entendre qu'il entendait la réactiver "avant les prochains semis".

Pour Stéphane Le Foll, qui ne cache pas son hostilité aux cultures génétiquement modifiées, "il n'y a pas d'OGM cachés" en France: le ministre, qui tient à la clause de sauvegarde sur les OGM, exclut en revanche d'interdire des variétés mutantes utilisées en tournesol pour la troisième saison sur 10% environ des surfaces et encore à titre presque expérimental pour le colza cette année (1.000 ha environ sur 1,5 million d'ha au total selon le Cetiom, le Centre technique des oléagineux).

Capter l'attention médiatique

Pour l'INRA, l'emploi du terme vise surtout à capter l'attention médiatique, alors qu'un OGM répond à une définition claire: "il s'agit d'un organisme dans lequel on a introduit par des méthodes non conventionnelles un gène étranger", généralement une bactérie, résume Olivier Le Gall, directeur général délégué aux affaires scientifiques de l'Institut national de recherche agronomique. "Ce n'est pas le cas ici" insiste-t-il.

Manifestation d'opposants à la culture d'OGM organisée le 25 mai 2013 sur la place du Trocadéro à Paris [Fred Dufour / AFP]
Photo
ci-dessus
Manifestation d'opposants à la culture d'OGM organisée le 25 mai 2013 sur la place du Trocadéro à Paris
 

Il existe trois sortes de variétés tolérantes aux herbicides (la plante se développe mais pas les mauvaises herbes) schématise M. Le Gall: OGM, obtenues par mutagenèse (depuis 50 ans), ou par sélection de variants naturels -la méthode ancestrale.

C'est aux secondes que l'INRA s'est intéressé en 2011 à la demande du ministère de l'Agriculture, alors que ces VTH commençaient à arriver au catalogue européen des semences autorisées -elles étaient alors cultivées et étudiées depuis une quinzaine d'années en Amérique du Nord principalement en soja et coton.

Pour l'agriculteur, l'avantage est clair: simplification du travail du sol, réduction du désherbage et des pertes dues à la prolifération d'adventices, ces indésirables qui peuvent lourdement impacter les récoltes. "En tournesol on peut perdre 4 à 5 quintaux à l'hectare et 20% des récoltes en colza " indique André Merrien, directeur technique du Cetiom.

Pour cet expert, les VTH permettent de diviser singulièrement l'usage des phytosanitaires: "Le coût du désherbage est un sujet très important: aujourd'hui en tournesol, on traite la graine en pré-semis, systématiquement même si elle ne doit jamais lever. Avec une VTH, on attend et on juge sur la flore. Ça permet de réduire les herbicides conformément aux objectifs du plan Ecophyto 2018" de réduction des pesticides: on passe, affirme M. Merrien, de 0,5 à 1 kilo de matière active par hectare en conventionnel à 40 grammes/ha en VTH.

Pour autant, les conclusions de l'INRA en 2011 sur les cultures de VTH, après analyse de 1.400 articles scientifiques, mettaient en garde contre plusieurs effets "limités mais réels sur la biodiversité" et une "contamination déjà notable des ressources en eau et des sols" par les herbicides en systèmes VTH. En outre, une utilisation répétée de ces variétés serait "susceptible d'amplifier rapidement l'usage de certaines molécules" et surtout de "les rendre inefficaces à moyen terme".

"Il est évident qu'on ne va pas couvrir la France de cultures VTH" convient M. Merrien. "Mais on attire ici l'attention sur des risques de résistances qui sont vrais pour toutes les substances: partout où on exerce une pression avec une seule famille (de produits), on a un risque de résistance" note-t-il. Comme observé aux États-Unis avec la prolifération d'amarantes aussi indestructibles qu'envahissantes dans les soja OGM.

Avec l'Institut du végétal Arvalis et les coopératives, le Cetiom a d'ailleurs développé un plan d'accompagnement des agriculteurs dans leur recours aux VTH, en insistant sur l'inventaire de la flore, la rotation des cultures et les solutions de désherbage alternatives.

Les essais menés parallèlement par l'INRA contre l'envahissement des blés par l'ambroisie ont mis en évidence l'utilité des pratiques agronomiques reprend Olivier Le Gall: "On voit que la façon de cultiver un champ conditionne la future apparition des adventices".

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités