Alors que le ramadan débute mardi soir, l’islamologue Malek Chebel décrypte ce moment crucial de la religion musulmane.
Ils sont cinq millions en France. Cinq millions de musulmans potentiellement concernés par le mois de ramadan qui débute mardi soir. Ainsi en a décidé au mois de mai dernier, le conseil français du culte musulman qui a également fixé la fin au 8 aout. Les années précédentes, les dates étaient fixées par l’observation des astres, le ramadan devant correspondre au neuvième mois lunaire. En revanche, une chose reste immuable : le jeûne du matin au soir. «C’est un mois de ferveur», analyse Malek Chebel, anthropologue spécialiste de l’islam.
Pour la première fois, la date du ramadan a été fixée à l’avance. Pourquoi une telle décision ?
C’est une première en France mais un usage courant dans beaucoup d’endroits ; je pense notamment à certains pays asiatiques, où aux régions frontalières du cercle polaire. Cela fait deux siècles que cela existe. La France aurait pu continuer à suivre les observations lunaires pendant longtemps mais le Conseil français du culte musulman a décidé de fixer les dates. Le CFCM avance des raisons pratiques, ce qui est incontestable. On ne peut pas exclure non plus qu’une telle décision ait été prise pour exister. Dans tous les cas, je suis persuadé qu’il y a des musulmans de France qui ne suivront pas ces instructions mais continueront à scruter la lune.
Et quand s’achèvera-t-il ?
Le ramadan se terminera dans 28 ou 29 jours, selon la lunaison. Il prendra fin avec l’aïd al-fitr, une fête essentiellement destinée aux enfants.
Il y a beaucoup d’idées reçues autour du ramadan. Que signifie-t-il exactement ?
Le mot ramadan désigne initialement le neuvième mois du calendrier. Et aujourd’hui, c’est à la fois le mois et le jeûne que l’on doit respecter. Il s’agit de s’abstenir d’ingérer des boissons, de la nourriture, du tabac et d’avoir des relations sexuelles du lever du jour au coucher du soleil. On se prive volontairement d’un certain nombre d’éléments, du matin au soir.
Le ramadan implique aussi le respect de certaines valeurs et comportements : les gens sont censés de pas être médisants, ne pas se laisser aller à des facilités d’ordre profane…
Des exceptions sont-elles prévues ?
Oui, bien sûr. C’est notamment le cas des enfants qui en sont dispensés car on ne commence pas le ramadan avant d’avoir une certaine maturité, généralement au moment de l’adolescence. D’autres exceptions existent pour les malades ou les personnes âgées très âgées (la liste n’est pas exhaustive, ndlr). Quant aux femmes, elles ont la possibilité de ne pas faire le ramadan quand elles ont leurs règles mais doivent rattraper ces jours ultérieurement.
Dans la religion, à quoi renvoie ce jeûne ?
Selon la tradition, le ramadan est un mois de privation en signe de solidarité et de compassion avec les plus pauvres. Mais c’est également un mois de ferveur populaire durant lequel les musulmans sont particulièrement soudés psychologiquement parce qu’ils vont vivre la même chose. Ca n’a d’égal, sans doute, que le pèlerinage.
Partagez-vous l’impression que, ces dernières années, l’on met davantage l’accent sur ce mois de ramadan ?
Oui, je le constate et c’est une évolution normale des mentalités étant donné le travail en profondeur d’explication, de critique, de mise en lumière et de médiatisation de l’islam.
Peut-on dire qu’il s’agit, en France, du pilier de l’islam le plus suivi ?
Il est très suivi mais on n’a pas la fourchette exacte du nombre de musulmans qui le font dans la mesure où c’est une affaire privée. *
Mais en principe, le ramadan est tout aussi obligatoire que les prières quotidiennes, l’aumône, le pèlerinage et la croyance en un seul Dieu et en son prophète Mahomet. Après respecter ou non ces piliers, c’est toute la différence entre les croyants et les pratiquants.