Le 18 juin, la crue du gave de Pau ravageait le sanctuaire de Lourdes, l’heure est au bilan et aux travaux. Un véritable défi humain et financier au regard de l’ampleur des dégâts. Mgr Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes, appelle à la mobilisation des bonnes volontés.
Quinze jours après, les inondations ne font plus la « une » des journaux, pourtant la situation reste problématique…
C’est en effet ce que je craignais, non seulement pour le sanctuaire mais aussi pour tout le département. La solidarité dure quelques jours, puis on passa à l’oubli : elle n’a qu’un temps. Dans tout le diocèse, notre principal souci est donc de nous organiser pour agir dans la durée. Nous avons un pont, des routes, des infrastructures à rebâtir, et cela va exiger du temps et des fonds. Certains des dommages que nous avions subis lors de la crue précédente en octobre 2012 n’avaient pas encore été réparés faute de ces deux ressources. Quant aux commerçants sinistrés à la même époque, certains n’ont toujours pas été remboursés par les assurances…
Concernant le sanctuaire en particulier, avez-vous pu dresser un bilan complet des dernières inondations ?
La situation est désormais assez claire et nous mesurons l’ampleur des dégâts. Nous devons reconstruire un pont et de vraies questions se posent pour un second, en cours d’expertise. De même, nous devons engager de coûteux travaux pour réparer la voirie : il est indispensable qu’elle soit en bonne état pour que les chariots des malades puissent circuler sans difficulté. Deux réfectoires qui servaient 1000 repas par jour aux bénévoles ont été également inondés. Je passe sur les nombreuses réparations qu’il faut également entreprendre dans les basiliques du sanctuaire où nous devons, par exemple, refaire toute la sonorisation.
Ne faut-il pas également se pencher sur la prévention de tels sinistres ?
C’est essentiel. Je constate désormais l’existence d’un véritable climat de peur dans les Pyrénées. Beaucoup de gens craignent que cela ne recommence à nouveau. Nous devons donc impérativement réfléchir en amont pour déterminer comment éviter cela. C’est une réflexion que nous devons mener conjointement avec l’État, le conseil général et les communes.
Comment allez-vous réussir à financer tout cela ?
C’est une vraie question qui nous préoccupe tous car nous n’avons pas de réponse immédiate. On peut pas financer ces travaux sur le budget courant du sanctuaire, quant au diocèse, il n’a pas d’argent non plus. Au-delà de l’intervention des secours d’urgence, nous ne bénéficions d’aucune aide publique, puisqu’il s’agit d’un sanctuaire privé et que s’applique le principe de la laïcité. Nous ne pouvons donc compter que sur le remboursement des assurances et sur les dons des amis de Lourdes. Nous avons reçu de nombreuses promesses, de montants variés, mais nous sommes encore très loin du compte. Nous avons besoin de tous car nous ne sommes pas sortis d’affaire !
Avez-vous également besoin de l’aide des volontaires ?
Ils ont fait un travail formidable juste après les inondations pour déblayer, nettoyer et permettre au sanctuaire de reprendre son activité. Mais nous avons vu des bénévoles venir de toute la région et même de plus loin, en particulier d’Italie. Des gens attachés à la tradition et à l’histoire de Lourdes. Nous avons également pu compter sur l’engagement des pompiers et de la sécurité civile, qui ont donné de leur temps sans compter et avec le sourire et j’en profite pour les saluer. Mais maintenant l’heure est aux gros travaux qui exigent l’intervention de professionnels.
Que diriez-vous à un non-croyant pour l’inciter à participer à la réparation ce haut lieu de la foi catholique ?
Au-delà des considérations spirituelles, Lourdes demeure un joyau du patrimoine de la France. De plus, on y trouve une approche unique du handicap, de la maladie et de la vieillesse qui peut toucher tout le monde. Nous pouvons recevoir ici jusqu’à 1 200 malades simultanément qui ont ainsi l’occasion de sortir de l’hôpital ou de la maison de retraite. Il faut savoir qu’à Lourdes, il y a une dimension essentielle et méconnue : c’est leur accompagnement. De nombreux exemples attestent cette spécificité, comme ces groupes d’infirmières venues de Chicago qui viennent à Lourdes pour apprendre à agir auprès des malades. Où se professeur d’histoire des sciences, lui aussi américain et se déclarant incroyant, qui vient à Lourdes pour comprendre le regard qu’on porte sur eux.
Malgré l’ampleur du défi, le sanctuaire va pouvoir continuer à accueillir les flots des malades et des pèlerins ?
Je ne vous cacherais pas qu’il y a eu un moment de découragement, mais de courte durée. Nous voulons faire en sorte que tout soit accessible et sécurisé au début du mois de juillet pour les malades, les pèlerins et les accompagnateurs. Cela sera possible grâce au formidable élan auquel nous avons assisté juste après les inondations. D’une certaine façon, nous avons vécu un moment de grâce : il est des catastrophes qui révèlent le cœur des hommes !
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