Déjà mis en examen dans le volet financier de l'Affaire Karachi, l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine dort désormais en prison, écroué vendredi soir car la justice le soupçonne d'avoir voulu fuir la France.
L'intermédiaire en armement avait été placé en garde à vue jeudi matin par les policiers qui le soupçonnent d'avoir envisagé de se soustraire à la justice, en cherchant à sa procurer un passeport diplomatique de la République dominicaine.
A l'origine des nouveaux ennuis judiciaires de M. Takieddine, une nouvelle perquisition menée cette fois le 11 avril à son luxueux domicile parisien de l'avenue Georges-Mandel (XVIe). A cette occasion, les policiers mettent la main sur un courriel laissant penser que M. Takieddine allait se faire délivrer ce document émis en janvier 2013, qu'il aurait commandé moyennant 200.000 dollars.
Au vu notamment de cette découverte, le parquet de Paris ouvre début mai une information judiciaire pour "corruption d'agent public étranger" et "escroquerie", confiée aux deux juges instruisant le volet financier de l'affaire Karachi, Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire.
A cette procédure viennent d'être jointes deux autres instructions qui visaient M. Takieddine, cette fois pour "fraude fiscale" et "organisation frauduleuse d'insolvabilité".
Déféré vendredi, l'homme d'affaires a été présenté aux magistrats instructeurs qui l'ont mis en examen pour l'ensemble de ces chefs, avant que M. Takieddine ne soit placé en détention provisoire, selon une source judiciaire.
Pour les enquêteurs, il s'agit de comprendre les raisons pour lesquelles M. Takieddine a cherché à obtenir ce document d'identité, alors qu'il n'a pas le droit de quitter le pays, et comment il a pu en financer l'achat, alors que l'essentiel de ses biens a été saisi dans l'enquête Karachi.
ci-dessus
Contacté par l'AFP, un de ses avocats, Me Francis Vuillemin, a affirmé vendredi matin que son client n'avait jamais eu l'intention de quitter le pays et qu'il avait toujours respecté le contrôle judiciaire auquel il est astreint.
"Le projet de délivrance d'un passeport de la République dominicaine n'a rien à voir avec la préparation d'une fuite mais s'inscrit, de façon totalement accessoire, dans le cadre des investissements que Ziad Takieddine souhaitait faire en République dominicaine depuis la France et pour favoriser ceux-ci et l'ouverture d'un compte bancaire dans ce pays à cet effet", a affirmé Me Vuillemin.
"Ziad Takieddine n'a donc absolument pas +acheté+ un passeport ni cherché à quitter le territoire français. Il a simplement essayé, à partir de la France, de continuer à travailler pour vivre, et ce dans le respect scrupuleux d'un contrôle judiciaire qui interdit à cet homme d'affaires international de voyager", a-t-il poursuivi.
Deux autres hommes, dont l'un de nationalité américaine, avaient été arrêtés dans cette enquête. Soupçonnés d'avoir joué un rôle dans les démarches pour l'obtention de ce faux document, ils ont également été mis en examen vendredi et placés sous contrôle judiciaire.
Personnage central de l'affaire Karachi, M. Takieddine a maintes fois été entendu par les juges van Ruymbeke et Le Loire, qui l'ont notamment mis en examen pour recel d'abus de biens sociaux. Dans ce dossier tentaculaire, les deux magistrats cherchent à savoir si des commissions versées pour des contrats d'armement, que pourraient avoir perçues légalement M. Takieddine et un autre homme d'affaires libanais, ont pu alimenter la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, via un système illégal de rétrocommissions.
M. Takieddine a plusieurs fois demandé, en vain, à récupérer son passeport pour aller rendre visite à des membres de sa famille en Grande-Bretagne et au Liban.
En juillet 2012, les juges Le Loire et van Ruymbeke avaient été chargés d'une instruction ouverte pour fraude fiscale contre M. Takieddine, dont le patrimoine est évalué à plusieurs dizaines de millions d'euros.
Le nom de Takieddine apparaît également dans une information judiciaire ouverte en novembre 2012, notamment pour "blanchiment et corruption", en lien avec son arrestation en mars 2011 à l'aéroport du Bourget, alors qu'il rentrait de Libye en avion avec 1,5 million d'euros en liquide.