Un document interne de France Télécom datant de 2006 et relayé mardi par Le Parisien, témoigne de la violence sociale à l'époque au sein de l'entreprise marquée par une vague de suicides en 2008 et 2009.
Alors que l'enquête judiciaire sur les drames qu'a connu le groupe se poursuit au pôle de santé public du Tribunal de grande instance de Paris, le quotidien rend public un fac-similé d'un compte-rendu d'une réunion d'octobre 2006 de l'Acsed, l'association des cadres de France Télécom.
Selon ce document, l'ancien PDG Didier Lombard, aurait déclaré: "Il faut qu'on sorte de la position mère poule. (...) Ce sera un peu plus dirigiste que par le passé. C'est notre seule chance de faire les 22.000" suppressions de postes programmées dans le cadre du plan Next qui visait à réduire les effectifs entre 2006 et 2008.
Selon Le Parisien, il existe deux versions de ce document. Dans la version originale, M. Lombard indique: "en 2007, je ferai les départs d'une façon ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte". Cette version a ensuite été édulcorée pour devenir "en 2007, je ferai les départs d'une façon ou d'une autre".
D'après le quotidien, la secrétaire de l'Acsed aurait indiqué aux policiers en décembre ne plus posséder la version originale car ses responsables lui auraient demandé de la détruire. Elle ajoute avoir pris elle-même l'initiative d'atténuer les propos tenus lors de la réunion.
La Parisien rapporte que les anciens dirigeants de France Télécom assurent n'avoir donné aucune directive pour détruire les documents et estiment qu'il ne sont pas crédibles.
"Ces documents sont la transcription de la violence sociale que nous avons vécue et c'est ça qui est nouveau", a réagi de son côté Sébastien Crozier (CFE-CGC), après avoir pris connaissance du document dans la presse.
Il y avait "beaucoup d'éléments" illustrant le déni de la direction de l'époque au sujet du malaise social, mais peu illustrant la violence, a-t-il ajouté, jugeant "interpellant le fait qu'il y ait une atténuation des propos" car cela montre "qu'il y a des gens qui ont pris conscience de l'étendue des dégâts" à l'époque.
Un rapport de l'Inspection du travail mettant en cause la gestion du personnel et une plainte de Sud avaient conduit à une information judiciaire en avril 2010. La CFDT, la CFE-CGC/Unsa, la CFTC, la CGT et FO s'étaient constituées partie civile.
Dans le cadre de cette enquête, Didier Lombard, deux autres responsables et France Télécom en tant que personne morale ont été mis en examen pour harcèlement moral en juillet dernier.
En 2008 et 2009, le nombre des suicides de salariés s'est établi à 35, selon direction et syndicats.