Le procès de l'affaire des prothèses mammaires PIP a passé au crible, lundi, le rôle du certificateur et des inspecteurs sanitaires qui, à leur grande surprise selon leurs dires, avaient découvert en mars 2010 la vaste fraude en cours dans le Var depuis dix ans.
"Le 1er mars 2010, je suis saisi. On me dit qu'il y a des signaux anormaux dont il faut trouver l'origine. Je n'avais aucune raison d'avoir des soupçons", affirme devant le tribunal correctionnel Jean-Christophe Born, l'un des deux inspecteurs de l'Afssaps (devenue l'ANSM) envoyés alors à La Seyne-sur-Mer.
L'agence des produits de santé avait été alertée par des chirurgiens sur le fait que les implants PIP se rompaient plus fréquemment que les autres. Elle avait reçu, en décembre 2009, trois représentants de l'usine à ce sujet, avant d'y dépêcher deux inspecteurs, M. Born et Thierry Sirdey, du 16 au 18 mars 2010. La dernière visite de l'Afssaps remontait à juin 2001, soit au début de la fraude incriminée sur le gel contenu dans les prothèses.
"On a prévenu la société car on n'était pas du tout dans un contexte de suspicion de fraude, on venait pour comprendre l'origine des ruptures", insiste M. Born.
L'Afssaps avait pourtant reçu, fin novembre 2009, des photos de fûts d'huiles de silicone non déclarées, prises dans l'usine. Au deuxième jour de leur inspection, les deux agents découvrent ces fûts et obtiennent l'aveu de la fraude.
MM. Born et Sirdey, témoins cités par le parquet, n'ont pas été ménagés par les avocats de la défense et des victimes, qui digèrent mal le statut de partie civile de l'ANSM, comme celui du groupe allemand TÜV, qui certifiait les prothèses PIP.
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"Comment se fait-il qu'entre 2001 et 2010, il n'y ait eu que deux visites à La Seyne?", lance Me Yves Haddad, avocat de Jean-Claude Mas. "On n'a pas eu de signal sur le fonctionnement de PIP", répond M. Born.
"Quel était le risque pour la santé publique?", enchaîne Me Haddad. M. Sirdey détaille les tests effectués sur les prothèses PIP, qui écartent la toxicité du gel et évoquent la possibilité d'irritations, confirmée par les derniers bilans de l'ANSM sur les porteuses explantées. Le taux de rupture des prothèses, liée à une instabilité et à une transsudation plus importantes du gel PIP, constitue selon l'expert le principal danger, car il nécessite une explantation.
"Vous n'arrivez pas à dire qu'il y a un problème de santé publique, je suis très content", conclut Me Haddad, tandis que Me Jean Boudot, qui défend l'ancienne directrice qualité de PIP Hannelore Font, fait valoir des études étrangères qui relativisent les défauts reprochés aux implants varois.
Reste la fraude, qui a perduré 10 ans. "Qu'est-ce qui fait qu'il a fallu attendre de trouver ces fûts pour savoir?", demande le vice-procureur Ludovic Leclerc.
"C'était bien dissimulé, il était très difficile de mettre le doigt dessus. Il n'est pas sûr que sans les photos, j'aurais trouvé", reconnaît un agent de l'ANSM, pour qui cacher la vérité à TÜV, qui procédait à des audits dans le Var tous les ans, a dû nécessiter "une belle organisation".
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Reconnue par les prévenus, décrite par les salariés durant l'enquête, cette organisation a conduit le parquet à faire du certificateur allemand une victime de l'escroquerie de PIP. Au grand regret d'autres parties civiles qui espéraient le voir parmi les prévenus.
"Nous avons été trompés par cette société qui pratiquait une fraude de grande ampleur, sans précédent", assure à la barre Wilma Hartung, responsable des dispositifs médicaux au sein du groupe allemand.
Chez PIP, "il n'était question que de Nusil", le gel censé remplir les prothèses, dit-elle. "Et nous ne sommes pas des policiers chargés de détecter des fraudes, nous sommes des tuteurs qui évitent aux fabricants de pécher par ignorance".
Des contrôles inopinés auraient-ils changé la donne?, demande la présidente du tribunal, Claude Vieillard. "On peut en faire, mais c'est très rare et il faut une bonne raison" que TÜV n'avait pas, insiste Mme Hartung.
Plus de 5.250 femmes, des Françaises pour l'essentiel, ont porté plainte (pour environ 30.000 porteuses en France, et plus encore à l'étranger). Le procès doit durer jusqu'au 17 mai, se poursuit mardi avec l'audition d'un dernier responsable de l'ANSM puis des témoins cités par la défense. Les cinq prévenus encourent cinq ans de prison.