"Amour" de Michael Haneke et ses acteurs Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant ont triomphé vendredi aux Césars, raflant toutes les récompenses les plus prestigieuses de la soirée, avant les Oscars dimanche pour lequel le film est nommé cinq fois.
La comédie "Camille redouble" de Noémie Lvovsky, donnée grande favorite avec treize nominations, est en revanche repartie bredouille, tout comme "Holy Motors" de Leos Carax (neuf nominations).
Sans musique, sans effets, rythmé par les seuls grincements de parquet d'un immense appartement parisien, "Amour" met à nu l'inexorable déchéance d'un couple d’octogénaires: Anne (Emmanuelle Riva), victime d'attaques cérébrales, perd peu à peu son autonomie, puis la parole, jusqu'à ce que tout son corps la trahisse, sous les yeux impuissants de son mari Georges (Jean-Louis Trintignant), amoureux jusqu'au bout.
Déjà à Los Angeles en prévision des Oscars, Michael Haneke n'était pas sur la scène du Châtelet pour recevoir ses prix.
Jean-Louis Trintignant, 82 ans, à Bruxelles pour une pièce de théâtre, a pu être joint au téléphone en direct par son fils Vincent, venu chercher le premier César de la très riche carrière de son père.
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Dans sa longue robe rouge, la frêle Emmanuelle Riva a confié ne pas "concevoir de recevoir un prix" sans le partager "avec toute l'équipe du film". "Ca m'est difficile d'être toute seule avec cela, c'est tellement précieux", a ajouté l'actrice, qui fêtera ses 86 ans dimanche à Hollywood où elle est en lice pour l'Oscar de la meilleure actrice.
"De rouille et d'os", de Jacques Audiard, neuf fois nommé, a été l'autre gagnant de la soirée avec quatre Césars: meilleure adaptation, meilleure musique originale, meilleur espoir masculin pour Matthias Schoenaerts et meilleur montage.
La soirée a aussi souri à la comédie à succès "Le prénom" de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, qui a raflé les deux Césars du meilleur second rôle, l'un pour Guillaume de Tonquédec et l'autre à Valérie Benguigui.
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La jeune rockeuse Izia Higelin, en robe noire très décolletée, a reçu le César du meilleur espoir féminin pour "Mauvaise fille" de Patrick Mille, son premier rôle au cinéma à 22 ans, tandis que "Les adieux à la reine" de Benoît Jacquot est reparti avec trois Césars dans des catégories techniques (décors, costumes, photo).
"Argo" de l'Américain Ben Affleck, grand favori des Oscars, a remporté le César du meilleur film étranger. Un autre Américain s'est vu décerner un César d'honneur, Kevin Costner, qui a exprimé avec émotion sa "gratitude" au cinéma français pour l'accepter "tel qu'il est".
Dans une soirée placée résolument sous le signe de l'humour, le président de la cérémonie, l'humoriste Jamel Debbouze, a choisi d'épingler l'exilé fiscal Gérard Depardieu, qu'il a nommé dans son "gouvernement" "ministre des Affaires étrangères et du Tourisme" ainsi que le producteur Vincent Maraval, auteur d'une tribune assassine sur le salaire des acteurs, nommé "ministre de l'Economie et de l'Argent".
Au fil de la cérémonie organisée au théâtre du Châtelet, les récentes polémiques qui ont agité le milieu du septième art ont été tour à tour abordées sur le ton de l'humour ou avec sérieux.
Ainsi l'équipe du meilleur son pour "Cloclo" a interpellé la ministre de la Culture et les producteurs sur les délocalisations de tournage afin de "stopper cette hémorragie" et que dure "l'exception culturelle française".
La productrice d'"Amour" Margaret Menegoz leur a répondu indirectement en remerciant ses "coproducteurs allemands et autrichiens qui ont permis de compléter le financement sans exiger aucune délocalisation".
Une réponse aussi aux quelque 250 techniciens du spectacle qui avaient accueilli par des sifflets les invités du théâtre du Châtelet, protestant notamment contre les délocalisations des tournages.