Le parquet a ouvert dimanche une enquête préliminaire pour éclaircir les circonstances du décès à Paris d'un bébé in utero, imputé par les parents à la saturation de la maternité où l'accouchement devait avoir lieu.
La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a de son côté appelé à "une enquête exceptionnelle, à la fois administrative et médicale" pour "faire toute la lumière" sur cette affaire révélée dimanche par Le Parisien, en exprimant sa "très vive émotion à l'égard du couple face au terrible drame qu'il traverse"
La patiente, suivie à la maternité de Cochin-Port Royal, s’est présentée dans la nuit de jeudi à vendredi avec un fœtus mort in utero à terme, indique dans un communiqué l'Administration publique hôpitaux de Paris (AP-HP), dont fait partie l'établissement.
Elle était déjà venue le mardi et le jeudi "pour examen et déclenchement de l’accouchement". Or, après l'examen médical effectué, "il lui avait été dit qu’elle pouvait retourner à son domicile", ajoute l'AP-HP, qui s'associe "pleinement à la douleur de la famille et au désarroi des personnels".
"Il convient maintenant de déterminer pour quelles raisons cette femme a été renvoyée à son domicile, s’il y avait un manque de lits à Port-Royal et pourquoi la patiente n’a pas été transférée dans une autre maternité", dit l'AP-HP, en précisant que les premiers éléments "de compréhension" sont attendus pour lundi en fin de journée.
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Une enquête médicale et administrative, "avec des experts pluridisciplinaires tant internes qu’externes pour faire toute la lumière sur les causes de ce décès", a été diligentée. Ses résultats complets sont attendus d’ici à un mois, ajoute l'AP-HP, selon laquelle la direction du groupe hospitalier a reçu le conjoint.
Ce dernier témoigne dans le Parisien, mettant en cause la maternité et "un service débordé". "Un bébé ne doit pas mourir à Paris en 2013 faute de place à l'hôpital", dit-il.
Dominique Cabrol, gynécologue de cette maternité flambant neuve et réputée, reconnaît dans les colonnes du quotidien que la maternité était "en saturation totale" jeudi.
"Un problème structurel"
Selon le président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens Syngof, Jean Marty, la situation illustre "le dévoiement" du plan périnatalité et de la classification des maternités en trois types, allant de la prise en charge des grossesses normales à la prise en charge de celles à haut risque et des nouveau-nés présentant des détresses graves.
Cette classification, scellée par un décret de 1998, a "abouti au discrédit des maternités qui n'étaient pas de niveau élevé", estime Jean Marty. "Les gens ont pensé qu'ils étaient plus en sécurité dans les maternités de type III et donc on a eu un engorgement de ces établissements, avec, dans le même temps, la volonté de l'administration de fermer les maternités privées de type I pour récupérer ce volume économique", a-t-il déclaré à l'AFP.
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La maternité Cochin-Port-Royal, maternité de type III qui dispose d'unités obstétriques, de néonatalogie et de réanimation néonatale, a enregistré 5.000 naissances en 2012.
"On voit le résultat aujourd'hui, avec le refoulement d'accouchements qui devraient se faire en maternité de type III. Ce n'est pas une défaillance humaine, c'est un problème structurel, et tant qu'on n'imposera pas ce qui peut se faire en toute sécurité au plus près, dans la personnalisation, dans les établissements de type I, on aura ce genre de problème", assure M. Marty.
Le PCF et le FN n'ont pas manqué dès dimanche de réagir à cette affaire.
"Cet événement nous renvoie aux conséquences désastreuses des suppressions de postes massives et des restructurations en rafale que l'AP-HP a subies ces dernières années", a déclaré Ian Brossat, président du groupe PCF-PG au Conseil de Paris. Et pour Florian Philippot, vice-président du Front national, "en arrière-plan de ce drame, ressurgit l'inquiétante question des moyens hospitaliers".
Dans son rapport de 2012, publié en février dernier, la Cour des comptes soulignait "l'urgence d'une remobilisation des acteurs nationaux et locaux" en matière de périnatalité.
Il n'y a plus en France "d'indicateur fiable" pour ce qui concerne les enfants morts-nés, informait la Cour des comptes dans son rapport.
Pour l'institution, "cette lacune est d’autant plus préoccupante" que, selon le rapport Euro-Peristat de 2008, la France avait en 2004 le taux de mortalité avant la naissance le plus élevé d’Europe (9,1 pour 1.000).