La mise en cause de Diane 35, un traitement anti-acné largement utilisé comme un contraceptif depuis vingt ans, pose une nouvelle fois la question des médicaments prescrits en dehors des indications autorisées, comme ce fut le cas pour le Mediator.
"On n'a pas vraiment tiré les conséquences de l'affaire du Mediator", un anti-diabétique utilisé comme coupe-faim qui a fait de nombreux morts, relève Me Philippe Courtois, l'un des avocats de femmes s'estimant victimes de pilules contraceptives.
Après une première plainte en décembre, quatorze autres ont été déposées jeudi dernier devant le tribunal de Bobigny dont une concernant Diane 35, du laboratoire allemand Bayer.
"Rien que depuis hier soir, nous avons eu une centaine de témoignages que nous sommes en train d’étudier" ajoute l'avocat.
Moins d'un mois après la campagne lancée par les autorités sanitaires pour restreindre la prescription des pilules de 3e et 4e génération, qui présentent des risques accrus de formation de caillots sanguins par rapport à celles de 2e génération, l'Agence du médicament (ANSM) a reconnu dimanche qu'au moins quatre décès pouvaient être imputés à Diane 35 depuis 1987.
Lundi matin, le patron de l'ANSM Dominique Maraninchi a déclaré qu'il fallait "arrêter" d'utiliser ce médicament comme un contraceptif. "Ça fait 25 ans que ça dure en France alors que Diane 35 n'est pas autorisé comme contraceptif" a-t-il insisté sur RTL, précisant que l'agence travaillait depuis un an sur ce médicament pour évaluer son bénéfice/risque.
Mais les dermatologues semblent avoir été peu nombreux à prescrire ce traitement et, pour ce genre de cas, préféraient renvoyer leurs patientes vers des gynécologues.
Ambiguïté
"L'indication était bien l'acné, mais comme il s'agissait de jeunes filles de 15-16 ans, certains dermatologues préféraient nous les envoyer pour un petit bilan", précise le Dr Béatrice Guigues, vice-présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).
Elle reconnaît toutefois l'existence d'une certaine "ambiguïté" autour de ce médicament, qui doit être pris pendant deux ans "pour une efficacité durable sur l'acné" et qui bénéficie également d'une AMM associée comme contraceptif dans certains pays.
Sans compter "qu'il n'est pas toujours très facile à de très jeunes filles d'expliquer à leurs parents qu'elles prennent la pilule", ajoute le Dr Guigues.
Le cas de Diane 35 n'est pas sans rappeler celui du Mediator (principe actif : benfluorex), commercialisé en France de 1976 à 2009 par le groupe Servier, et qui avait une AMM d'adjuvant au régime antidiabétique. En réalité, il a été largement prescrit comme coupe-faim. Il aurait fait au moins 500 morts, selon l'ANSM, avant son interdiction en 2009.
Les prescriptions hors AMM existent principalement en pédiatrie, en psychiatrie, en cancérologie et dans les maladies orphelines, la plupart du temps faute d'alternative.
La loi sur la réforme du médicament adoptée en décembre 2011 prévoit un encadrement renforcé et un meilleur suivi de ces pratiques afin d'identifier les pratiques à risques.
Parmi les médicaments largement prescrits hors AMM figure le baclofène, à l'origine un décontractant musculaire, désormais largement utilisé --parfois à haute dose-- pour aider au sevrage alcoolique et objet d'études spécifiques pour ce nouvel usage.
Autre exemple : l'Avastin, anti-cancéreux du groupe Roche, est utilisé hors AMM par des ophtalmologues hospitaliers pour traiter des pathologies de l'oeil comme la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). Le ministère de la Santé leur a demandé de cesser cette pratique motivée par son coût peu élevé par rapport au seul médicament autorisé pour traiter cette maladie le Lucentis de la firme Novartis (800 euros par injection mensuelle contre 30 à 50 euros pour l'Avastin).