Le fondateur des Laboratoires Servier, Jacques Servier, a été mis en examen mardi pour "homicides et blessures involontaires" pour la première fois dans l'enquête sur les dégâts causés par le Mediator qui lui vaut déjà d'être soupçonné d'escroquerie et tromperie.
M. Servier, 90 ans, et six sociétés de son groupe ont été mis en examen pour homicides et blessures involontaires et placés sous contrôle judiciaire dans ce volet de l'affaire ouvert en décembre 2010, a-t-on appris de source judiciaire.
Un cautionnement de 75.000 euros a été imposé au patron du laboratoire et de 400.000 euros à chacune de ses sociétés.
Ces mises en examen se fondent en particulier sur les premières expertises judiciaires de victimes versées au dossier des juges d'instruction.
La mise en examen pour homicides involontaires vise le cas de deux victimes, tandis qu'une quarantaine de cas sont visés pour les blessures involontaires par manquement délibéré, dont 14 ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois.
Ces premières mises en examen pour homicides et blessures involontaires du patron des laboratoires Servier en appellent d'autres, a indiqué à l'AFP une source judiciaire.
"Cette mise en examen était attendue et elle marque un tournant important car les juges ont écarté toute idée de dissimulation de données par Servier vis-à-vis des autorités sanitaires", ont réagi auprès de l'AFP les avocats des Laboratoires et de son fondateur, Me Hervé Temime et François De Castro.
Les juges ont retenu la dissimulation d'informations seulement vis-à-vis des médecins et patients et concernant les propriétés anorexigènes du médicament, sa parenté commune avec la norfenfluramine et ses effets indésirables, a précisé Me De Castro.
Investigations sur le rôle des autorités sanitaires
Deux informations judiciaires principales sont ouvertes depuis décembre 2010 sur les dommages causés par le médicament de Servier dont l'une pour tromperie et escroquerie dans laquelle M. Servier et ses sociétés ont été mis en examen en septembre 2011.
L'enquête pour homicide et blessures involontaires, devrait durer plus longtemps que celle pour tromperie puisqu'il faut établir un lien entre la prise du médicament et les dommages infligés à chaque malade.
Plus récemment une information judiciaire a été ouverte pour trafic d'influence concernant des soupçons de modification d'un rapport sénatorial par les laboratoires Servier.
Trois juges d'instruction parisiens, Pascal Gand, Franck Zientara et Sylvie Lefaix conduisent les enquêtes sur le Mediator.
Dans le volet tromperie, les juges d'instruction attendent la remise d'un rapport d'expertise pharmacologique sur les propriétés du Mediator, décisif pour la conclusion de leur enquête. Un épidémiologiste a récemment été adjoint aux experts déjà désignés pour ce rapport.
Outre le rôle de Servier, les juges s'intéressent aussi aux liens entre l'agence du médicament Afssaps (devenue ANSM), la Direction générale de la santé (DGS) et Servier.
En parallèle des enquêtes conduites à Paris, plusieurs victimes du Mediator ont cité directement le laboratoire et son fondateur devant le tribunal correctionnel de Nanterre où doit se tenir une audience relais vendredi.
Le Mediator a été retiré du marché en novembre 2009 en raison des risques cardiaques encourus par les patients. Destiné aux diabétiques en surpoids, mais largement prescrit comme coupe-faim, il a causé 500 à 2.000 décès, selon plusieurs études.