Un enseignant d'un collège de Charente a été suspendu temporairement lundi, après avoir été dénoncé par des parents pour avoir demandé à des élèves d'écrire une rédaction en se mettant dans la peau d'un jeune au bord du suicide et éprouvant du "dégoût" pour lui-même.
Le professeur a été "suspendu à titre conservatoire, le temps que l'enquête administrative soit diligentée", a indiqué à l'AFP le rectorat de l'académie de Poitiers.
Cet enseignant en lettres au collège Antoine-Delafont, à Montmoreau-Saint-Cybard, au sud d'Angoulême, devait être entendu lundi par le directeur académique à Angoulême.
Selon La Charente Libre, qui révèle l'affaire lundi, les élèves de deux classes de 3e de ce collège se seraient vu proposer le 22 octobre le sujet suivant: "Vous venez d'avoir 18 ans. Vous avez décidé d'en finir avec la vie. Votre décision semble irrévocable. Vous décidez dans un dernier élan de livrer les raisons de votre geste. En dressant votre autoportrait, vous décrivez tout le dégoût que vous avez de vous-même. Votre texte retracera quelques événements de votre vie à l'origine de ce sentiment."
"Nous sommes révoltés que l'on puisse proposer ce genre de sujet à des enfants qui ont entre 13 et 14 ans", ont écrit des parents dans un courrier à l'établissement et à l'inspection d'académie, cité par le quotidien.
L'enseignant devait être interrogé sur son "intention pédagogique ou éducative derrière la façon de poser la question", selon Jean-Marie Renault, directeur académique de la Charente. En fonction de ses explications, "nous verrons s'il y a matière à donner une suite disciplinaire ou pas", a-t-il expliqué.
Dans l'hypothèse où le sujet a été posé dans les termes rapportés par les parents, "on ne peut qu'être très surpris, le mot est faible", a ajouté M. Renault.
"Si (le sujet) a été lancé de cette façon sans accompagnement, sans contexte, c'est dangereux, il vaut mieux relire Camus", a pour sa part déclaré sur Europe 1 la ministre de l'Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso.
Selon le directeur académique, le professeur enseignerait "depuis quelques années" et serait arrivé récemment à Montmoreau.
Un syndicaliste assistant l'enseignant, Alain Héraud, secrétaire départemental du Snes-FSU en Charente, a toutefois nuancé les choses, assurant à une correspondante de l'AFP qu'"il y a un décalage entre l'interprétation faite par quelques parents" et la réalité.
"Quand les élèves ont demandé des précisions, le professeur les a effectivement aiguillés sur le fait de s'imaginer en fin de vie, pour mieux se décrire", a-t-il précisé, mais, "à aucun moment il n'a été question de suicide", a insisté le syndicaliste, affirmant que l'énoncé paru dans la presse ne correspondait pas à la réalité.
Jointe par l'AFP, Hélène Ferrari a affirmé que son fils avait planché sur le sujet incriminé. "Ce qui me choque, c'est de lier l'autobiographie au suicide. C'est carrément gonflé", a-t-elle réagi.
Auparavant pourtant, la méthodologie de l'enseignant lui plaisait car elle était "structurée et structurante pour les élèves", a ajouté cette mère de famille.
Lola (prénom changé à sa demande, ndlr), une élève de 3e de cet enseignant jointe par l'AFP, a assuré n'avoir pas planché sur ce sujet, mais sur un autoportrait "en se mettant dans la peau de quelqu'un qui ne se sent pas bien".
Elle a tenu à prendre la défense de l'enseignant: "C'est notre prof préféré, le meilleur prof que l'on ait jamais eu au collège. On ne souhaite pas qu'il soit sanctionné."
Un sujet ainsi posé "c'est très dangereux (...) surtout pour des adolescents qui se cherchent, doutent d'eux-mêmes", a expliqué à l'AFP le docteur Xavier Pommereau, psychiatre et spécialiste de l'adolescence en difficulté.
"On peut faire réfléchir un adolescent sur tous les sujets (...) à la seule condition expresse de ne jamais le mettre, lui, en position d'acteur défavorable", a-t-il ajouté.
"Il faudrait plutôt leur dire +Qu'est ce que vous feriez pour venir en aide à un ami qui vous parle d'idées suicidaires?+ " selon le médecin.
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