Médecins, policiers, magistrats ou travailleurs sociaux: ces professionnels seront un jour ou l'autre amenés à croiser une femme victime de violences, un constat qui conduit les associations et le gouvernement à vouloir améliorer leur formation en la matière.
La ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, participe vendredi à un colloque sur le sujet. Elle a exprimé à plusieurs reprises sa volonté d'améliorer la formation des professionnels afin, notamment, de briser le tabou des victimes, qui n'osent pas parler.
En cas de viol, seules 10% portent plainte.
"Les femmes attendent qu'on vienne vers elles ou, si elles arrivent à parler, qu'on les entende vraiment", juge Muriel Salmona, psychiatre spécialiste des victimes. Pour cela, il est essentiel, selon elle, de former les professionnels à "la réalité des violences".
"Pour pouvoir comprendre certains comportements de victimes ou expliquer des troubles comme la perte de mémoire, les policiers ou les juges doivent savoir qu'il s'agit des conséquences psychotraumatiques des violences subies", explique-t-elle.
Lorsqu'une femme vient déposer plainte dans un commissariat, "il faut qu'on lui pose les bonnes questions, car s'il y a un soupçon a priori, elle va être traumatisée et se taire", poursuit-elle.
Si des formations sur le sujet existent dans la police, les efforts varient selon les départements.
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"Or ces séances sont déterminantes pour l'accueil des victimes, leur prise en charge et le suivi de l'enquête", estime Marie-France Cazalis, du Collectif féministe contre le viol, chargée de formation. "Il faut que les professionnels soient conscients des stratégies des agresseurs qui consistent à choisir une victime, l'isoler, l'humilier, instaurer la terreur et lui faire croire que c'est elle la coupable", explique-t-elle.
"Des révélations"
Les formations visent à exposer "les manipulations des auteurs de violences", ajoute-t-elle, souhaitant qu'elles fassent partie intégrante de l'enseignement de plusieurs professions, notamment dans le secteur social.
"Si un travailleur social a compris le système de l'emprise des auteurs, il identifiera la violence plus facilement et prendra en charge les victimes de façon appropriée", assure Mme Cazalis.
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Les associations militent aussi pour inclure des formations aux violences faites aux femmes dans le cursus des études médicales.
"Le médecin est souvent le premier professionnel auquel les femmes s'adressent", rappelle Françoise Brié, vice-présidente de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF). "Nous sommes favorables à ce que des questions systématiques leur soient posées quand elles vont consulter, car elles vont alors saisir la perche. De nombreux médecins qui ont reçu une formation nous envoient des femmes pour une prise en charge", dit-elle.
Gilles Lazimi, médecin généraliste, très impliqué sur le sujet, confirme le diagnostic: "Je me suis aperçu que quand on posait des questions aux femmes sur les violences, elles répondaient. On a toujours des révélations".
Or aujourd'hui, très peu de facultés de médecine proposent des formations. "Il faudrait une impulsion du ministère de la Santé et de l'Education pour que soient imposés des enseignements sur les violences", plaide Gilles Lazimi.
Selon lui, de nombreux praticiens ne font par exemple pas le lien entre les interruptions volontaires de grossesse et les violences, alors que "dans 23% des cas, il y en a un".
"A chaque fois qu'une formation est donnée, cela bouleverse la relation thérapeutique, on apprend aux femmes qu'on est un maillon de la chaîne", dit-il. "On peut les aider autrement qu'en leur proposant une batterie d'examens", poursuit-il.