"Il n'y a qu'à supprimer les notes!": l'idée a été lancée à la volée lors d'une réunion, par un professeur inquiet pour des élèves en échec. Deux ans après, toutes les classes de sixième et une classe de cinquième du collège Edouard-Schuré de Barr ont fait le grand saut.
"C'est une classe exceptionnelle, ils ont tous le sourire", s'enthousiasme Anne Ziegler, en surveillant ses élèves qui regagnent le vestiaire après son cours d'éducation physique. "On parle de plus en plus d'absentéisme scolaire lié à des phobies, mais eux sont contents d'être là, épanouis, ça se voit".
Les 27 élèves de la 5e4 sont les "cobayes" de ce collège niché au pied du Mont Sainte-Odile, dans un bourg du vignoble alsacien. Ils ont été les premiers l'an dernier à y expérimenter la suppression des notes en 6e, et sont les premiers à poursuivre l'aventure en 5e, avec l'aval de l'inspection académique.
Pour Mme Ziegler, leur professeure principale, les résultats sont évidents. "Avec des notes, les cinq élèves de cette classe qui étaient en grande difficulté l'an dernier auraient eu des bulletins catastrophiques, se seraient découragés, et auraient décroché à Noël. Là, aucun n'est en situation d'échec".
Dans leurs bulletins, les notes de 1 à 20 ont disparu, et ont fait place à trois possibilités: "En cours d'acquisition", "acquis", ou "expert". Même le palier le plus bas exprime ainsi la promesse d'un progrès.
"Cela change tout pour ceux qui se considéraient comme nuls", estime Philippe Rivieyran, principal adjoint. "La note est faite pour sélectionner les élites, ceux qui vont aller en terminale S, puis vers les grandes écoles: elle n'a pas de valeur pédagogique", estime-t-il.
Enthousiasme mesuré
A la rentrée 2012, toutes les classes de 6e de cet établissement de 550 élèves ont franchi le pas. "Ce que l'on fait, c'est une révolution", se réjouit M. Rivieyran. Pour lui, la suppression des notes va de pair avec un décloisonnement des disciplines.
Dans les rues pavées de Barr, au milieu des maisons à colombages, Michel Authier, professeur d'histoire-géographie, déambule avec ses élèves de 6e. "Tracez bien sur votre plan l'itinéraire que l'on suit", leur lance-t-il, avant un petit exposé improvisé sur le méridien de Greenwich. "On ne raisonne plus strictement par matières, mais par une série de compétences à acquérir pour nos élèves", souligne-t-il, expliquant qu'il peut par exemple évaluer la capacité à se repérer dans l'espace de ses élèves.
Mme Ziegler, lors de ses cours de sport, accueille parfois un prof de mathématiques. "Les élèves peuvent alors mettre en application leurs connaissances en maths en calculant des temps de parcours ou encore en dessinant un dojo à l'échelle", explique-t-elle. "Certains élèves qui n'étaient pas très bons dans les exercices traditionnels notés sont parfois beaucoup plus à l'aise en situation", constate-t-elle.
"Il y a sept types de compétences à évaluer", de la maîtrise de la langue française à l'autonomie, en passant par la culture scientifique, détaille M. Rivieyran. "L'objectif est que chaque compétence soit acquise en fin d'année", indique-t-il, expliquant que les parents d'élèves s'étaient quasiment tous montrés favorables à l'expérimentation.
Du côté des élèves, l'enthousiasme est plus mesuré. Ahmet, 11 ans, est "content de pas avoir de note" en 6e, "parce qu'avec un 5/20, on se dit qu'on est pourri". Son camarade Louis est d'accord, mais comme d'autres, il est un peu déçu: "Je vais devoir attendre le lycée pour avoir des notes et me comparer". "Ce sont surtout les bons élèves qui ne sont pas contents, parce que les notes leur donnent un statut. Mais eux, ils s'en sortent bien quel que soit le système d'évaluation", sourit Mme Ziegler.
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