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Scandalisé, le village de Laguiole se débaptise

Vincent Alazard, maire de Laguiole, débaptise symboliquement sa commune, le 19 septembre 2012 [Jose A. Torres / AFP] Vincent Alazard, maire de Laguiole, débaptise symboliquement sa commune, le 19 septembre 2012 [Jose A. Torres / AFP]

Les habitants et artisans révoltés de Laguiole ont symboliquement débaptisé leur village mercredi pour dénoncer la privatisation de son nom par un entrepreneur qui s'en sert pour vendre des couteaux ou des barbecues made in China.

Sous les huées de 200 villageois, élus et entrepreneurs scandalisés par une récente décision de justice, le maire Vincent Alazard a démonté le panneau signalant l'entrée de la petite localité de l'Aubrac, qui a donné son nom au couteau rehaussé d'une abeille et mondialement connu.

"Notre nom ne nous appartient plus, alors que voulez-vous qu'on fasse de ce panneau ?", a-t-il lancé, "on va l'apporter à Paris pour le donner à ceux qui nous l'ont pris".

Laguiole (prononcez: Layol) et ses 1.300 habitants sont sous le choc depuis qu'ils ont appris la semaine passée avoir perdu une nouvelle bataille judiciaire contre Gilbert Szajner pour récupérer l'usage du nom de la commune.

Gilbert Szajner, un particulier du Val-de-Marne, a déposé en 1993 la marque Laguiole pour désigner non seulement de la coutellerie mais aussi du linge de maison, des vêtements, des briquets ou des barbecues. Contre redevance, il accorde des licences à des entreprises françaises et étrangères qui peuvent commercialiser sous le nom Laguiole des produits d'importation.

Les spécificités du dépôt de marque tolèrent quand même que d'autres (Laguiolais ou pas) utilisent le nom pour des couteaux.

Aux côtés du maire, qui se dit plutôt de droite, des élus de tous bords et les grands noms de l'économie locale sont venus dire leur colère.

"Le mot Laguiole a été kidnappé, on nous l'a volé", s'est ému Michel Bras, dont le restaurant géré avec son fils fait la fierté du village avec ses trois étoiles au Michelin. "C'est bien facile de surfer sur des gens qui ont fait des sacrifices, qui ont su transcender le peu qu'ils avaient pour faire valoir un territoire", dit-il, "aujourd'hui, ces gens sont floués" par quelqu'un qui ne "connaît pas le pays".

Dans les rues, les vitrines des couteliers et des artisans sont constellées de pancartes proclamant avec ironie qu'elles sont "à vendre".

Thierry Moysset, gérant de la Forge de Lagiole, le plus important coutelier du village avec sa centaine d'emplois, est estomaqué comme les autres par l'impossibilité qui leur est faite de se diversifier en estampillant Laguiole d'autres produits que les couteaux. "Moi, j'essaye de générer de l'emploi à Laguiole, la loi me l'interdit, c'est un truc de fous".

La commune avait demandé au tribunal de grande instance de Paris de prononcer la nullité des marques déposées par Gilbert Szajner. Elle dénonce l'instrumentalisation du nom pour induire en erreur les consommateurs sur l'origine des produits.

Le tribunal a estimé lui que la notoriété du village n'est pas établie. S'il est connu, c'est plutôt par des couteaux dont le nom est devenu générique et qui ne sont pas fabriqués exclusivement sur son territoire. La commune n'est donc "pas fondée à invoquer une atteinte à son nom, à son image et à sa renommée".

Le conseil municipal s'est dit favorable à un appel de cette décision.

Les élus ont d'autres idées pour faire "bouger les choses".

Le maire, qui revendique le soutien de la ministre déléguée à la décentralisation, l'Aveyronnaise Anne-Marie Escoffier, et qui espère la prochaine visite d'une autre ministre midi-pyrénéenne, Sylvia Pinel (commerce), voudrait qu'une loi empêche d'autres communes de se retrouver dans la même situation.

Les élus locaux voudraient aussi la création d'une Indication géographique protégée (IGP) pour les produits manufacturés comme les couteaux.

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