Le bac professionnel, qui a réuni les lycéens l'ayant préparé en quatre et en trois ans, a connu une forte baisse de son taux de réussite cette année, posant la question du bien-fondé de la réforme qui a réduit le cursus pour l'aligner sur la durée des autres baccalauréats.
Le bac pro a été raccourci à trois ans à partir de 2008 par l'ancien ministre de l'Education nationale Xavier Darcos.
L'objectif affiché était de permettre aux jeunes de bénéficier d'une meilleure insertion professionnelle qu'avec un CAP ou un BEP et de conférer au bac pro "la même dignité" qu'aux baccalauréats général et technologique, avec une durée identique et la création d'une épreuve de rattrapage.
Certains syndicats avaient toutefois vu dans cette réforme un moyen de faire des économies budgétaires.
Le nombre de candidats au bac pro a en tout cas bondi: 241.118 élèves se sont présentés cette année (y compris les candidats agricoles), soit une hausse de 31%.
La session 2012 a vu arriver "le premier fort contingent d'élèves ayant suivi le cursus en trois ans", souligne dans une note le ministère de l'Education nationale, qui a promis une "particulière vigilance" pour cette série, après une baisse du taux de réussite de 5,6 points à 78,2%.
Pour l'instant, le ministère n'a pas détaillé les taux de réussite des élèves qui ont préparé l'examen en quatre ou en trois ans.
Un rapport commandé par l'ancien gouvernement et dévoilé par le nouveau en juin avait déjà tiré le signal d'alarme, pointant une hausse des sorties dans la voie professionnelle en cours de scolarité, avec un peu plus d'un jeune sur cinq ne passant pas en première.
"Perdants dans la réforme"
La baisse du taux de réussite au bac pro "n'est pas le signe d'une réforme totalement réussie", estime le sociologue Pierre Merle. "On voit qu'il y a un inconvénient, c'est qu'un certain nombre d'élèves qui auraient eu leur bac pro en quatre ans, ne l'ont plus aujourd'hui. Ils sont vraiment perdants dans la réforme", juge-t-il.
"Les plus faibles n'arrivent pas à tenir le rythme qui est imposé pour préparer le bac en trois ans", ajoute-t-il.
Une baisse de 5,6 points, "ce n'est pas non plus un effondrement", relève la sociologue Marie Duru-Bellat. Dans la mesure où de plus en plus de jeunes essayent d'avoir le bac pro, cette baisse du taux de réussite "est un peu mécanique" car "on ratisse plus large", relève-t-elle.
Mais la formation en quatre ans "était justifiée parce qu'au départ, justement, c'était un public plus particulièrement faible, puisqu'il était orienté en BEP", rappelle-t-elle.
Dire "c'est des bacheliers comme les autres, il faut qu'ils fassent trois ans, c'est un peu ridicule. S'il y en a qui sont plus faibles, leur offrir une année de plus pour qu'ils aient un taux de réussite identique, c'est l'équité", fait-elle valoir.
Même si le taux de réussite du bac pro a reculé, c'est le fait que les candidats au bac pro soient beaucoup plus nombreux qui a permis d'atteindre près de 78% d'une classe d'âge au bac, souligne Christian Lage, secrétaire général du Snetaa-FO, le premier syndicat de l'enseignement professionnel.
La baisse du taux de réussite de près de 6 points "est pour nous une variable totalement conjoncturelle. Ce qui est important, c'est que grâce à la rénovation de la voie professionnelle, il y a pratiquement le double de jeunes qui passent le bac pro", juge-t-il.
"Les chiffres sont très variables d'une spécialité à l'autre", précise Christian Lage alors que 84 spécialités étaient proposées cette année.
Toutefois, la réforme du bac pro devait se faire avec la mise en place d'un accompagnement personnalisé, or avec les diminutions de personnel, l'enseignement professionnel a été touché de plein fouet, relève-t-il.