Le tribunal correctionnel de Nanterre a reporté, lundi, le premier procès pénal du Mediator. Il estime ne pas pouvoir garantir un procès équitable à Jacques Servier du fait de l’existence de deux procédures.
La date d’une reprise de ce procès pourrait être fixée lors d’une audience de procédure prévue le 14 décembre. La présidente de la 15e chambre du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, a jugé "sérieuse" la question de droit soulevée par la défense des Laboratoires Servier qui contestent la possibilité de les juger à Nanterre, ainsi que leur fondateur Jacques Servier, alors qu’ils sont parallèlement mis en examen pour les mêmes faits de tromperie aggravée à Paris.
Les avocats de Servier avaient déposé deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), l’une sur la prescription du délit de tromperie et l’autre sur la dualité des juridictions saisies, et réclamé une expertise judiciaire ainsi qu’un supplément d’information. Cette dualité des juridictions présente un risque d’opposition des décisions, le risque étant que Paris et Nanterre ne statuent pas de la même façon.
"Il n'appartient à aucune partie de décider ni d'imposer son calendrier, fût-il médiatique ou judiciaire, en bafouant les règles fondamentales du procès pénal", a dit en préambule la présidente Isabelle Prévost-Desprez. "Il ne saurait être imposé à aucun juge (...) un dossier tronqué au motif que la justice doit passer vite et donc dans n'importe quelles conditions", a-t-elle déclaré, reprenant les mots de l'avocat de Servier le 14 mai à l'ouverture du procès.
La colère des parties civiles
L'avocat de Servier, Me Hervé Témime, s'est réjoui d'une "décision d'une importance capitale": "Les consommateurs auront droit à un procès dans des délais raisonnables mais pas un procès tronqué ou escamoté."
Du côté des parties civiles, on "craint que dans ce dossier la justice ne fasse la démonstration de ses inconséquences comme elle l'a fait souvent dans les dossiers de santé publique", a déploré Me François Honnorat. "On nous parle de la célérité de la procédure parisienne, je crains fort que dans plusieurs années, elle ne soit pas close et que les choses se compliquent considérablement", a-t-il ajouté.
Le Mediator, détourné comme coupe-faim durant sa commercialisation de 1976 à 2009 est soupçonné d'avoir causé au moins 500 morts en 30 ans, voire 1 320 à 2 000 selon d'autres estimations. Les plaignants, qui estiment disposer des éléments de preuve nécessaires pour prouver le délit, reprochent à Servier de les avoir "délibérément" trompés sur la composition du Mediator en ne les informant pas de la "nature anorexigène" de son principe actif, le Benfluorex.