La victoire est une obsession chez Didier Deschamps et l'a accompagné tout au long de sa carrière: le sélectionneur de l'équipe de France espère juste que sa bonne étoile le poursuivra lors de l'Euro-2016, pour faire aussi bien que les Bleus de 1984 et 1998, sacrés à la maison.
Nanti du plus beau palmarès du football tricolore, le capitaine des champions du monde et d'Europe en 1998 et 2000 (103 sélections) était prédestiné à occuper un jour le poste le plus exposé du pays. Difficile de contester sa légitimité car l'homme a gardé de ses années italiennes (1994-1999 à la Juventus Turin) ce petit quelque chose qui fait la différence, une certaine culture de la gagne.
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Son passage sur le banc de touche n'y a rien changé et force le respect. Didier Deschamps est le dernier technicien à avoir guidé un club français en finale de la Ligue des champions (Monaco en 2004) et a glané six trophées avec Marseille, une parenthèse enchantée dans l'histoire tourmentée de ce club sur les 20 dernières années. Mais le défi qui attend à l'Euro le Basque de 47 ans est d'une toute autre ampleur et la pression s'annonce immense. Personne ne lui pardonnerait en effet un échec alors que la France a toujours su parfaitement négocier les tournois organisés sur son sol.
Un bilan contrasté à la tête des Bleus
L'aura acquis sur et en dehors du terrain l'a jusqu'ici préservé des mauvaises ondes malgré un bilan contrasté à la tête des Bleus (45 matches, 26 succès, 8 nuls, 11 défaites), une indulgence médiatique et populaire dont n'avait pas vraiment bénéficié son illustre mentor Aimé Jacquet avant le triomphe de 1998. Mais une fois la compétition lancée, Deschamps n'aura plus le droit à l'erreur.
Le président de la FFF Noël Le Graët a d'ores et déjà fixé le minimum syndical à atteindre pour le pays organisateur: les demi-finales. L'objectif est ambitieux au vu du potentiel de l'équipe de France, quart de finaliste de la Coupe du monde 2014 et seulement 21e au classement Fifa, et permet de mesurer la tâche à laquelle Deschamps sera confronté.
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Marcher sur le fil du rasoir, l'ancien milieu de Marseille, avec qui il a remporté en 1993 la seule Ligue des champions d'un club français, y est toutefois habitué depuis son arrivée à la direction des Bleus en 2012 en remplacement de Laurent Blanc. Nommé pour remettre de l'ordre dans la maison bleue après le séisme de Knysna au Mondial-2010 et ses répliques à l'Euro-2012, "DD" n'a pas évolué sur un tapis de roses, entre une qualification pour le Mondial-2014 arrachée au terme d'un barrage homérique face à l'Ukraine (2-0, 3-0) et une litanie d'affaires qui n'ont pas épargné la sélection ces derniers mois.
A chaque fois, Deschamps a usé de son pragmatisme légendaire pour s'en sortir et tracer sa route. Sur le plan sportif, il a rapidement compris la nécessité de s'appuyer sur une nouvelle génération, incarnée par Paul Pogba, Raphaël Varane et Antoine Griezmann, après s'être fourvoyé en 2013 en rappelant Samir Nasri et Eric Abidal.
Une gestion des scandales maîtrisée
Même constat avant l'Euro: sa liste des 23 ne compte que 13 "mondialistes", signe d'un renouvellement profond du groupe en l'espace de deux ans. Mais personne n'a été pris au dépourvu et Deschamps a toujours joué cartes sur table: 22 des 23 joueurs convoqués pour le dernier rassemblement de mars participeront finalement au Championnat d'Europe, sauf blessures. Et ne lui parlez surtout pas d'une influence supposée de son agent Jean-Pierre Bernès, le plus puissant de France...
En coulisses, sa gestion des scandales a été un modèle du genre. Maîtrisant à merveille sa communication, il a habilement laissé la FFF et Noël Le Graët gérer le cas Benzema, son meilleur buteur, mis en examen pour "complicité de tentative de chantage" sur Mathieu Valbuena et "participation à une association de malfaiteurs" et, en conséquence, privé d'Euro. Il n'a pas non plus étalé ses états d'âmes à l'heure d'acter la non-participation du défenseur Mamadou Sakho, suspendu à titre conservatoire par l'UEFA jusqu'au 28 mai pour une violation de la législation antidopage et lui aussi écarté.
Sa complicité avec Noël Le Graët constitue son meilleur rempart face aux crises et les deux hommes savent se muer en "paratonnerres" quant l'intérêt de l'équipe de France est en jeu. Le président de la FFF maintient certes le suspense sur son propre avenir mais il a déjà renouvelé le bail de Deschamps jusqu'à la Coupe du monde 2018 en Russie.
Une sortie prématurée à l'Euro remettrait pourtant forcément en cause cet engagement et le statut d'intouchable dont jouit "la Dèche" au sein du football français.