Le réveil a dû être douloureux pour les gardés à vue. Mercredi matin, le président du Stade Malherbe de Caen, Jean-François Fortin, et son directeur de la sécurité, Pilou Mokedde, ont quitté les locaux de la police judiciaire de Caen vers 9h30. Direction Nanterre, où leur garde à vue va se poursuivre, a expliqué une source proche de l'enquête.
Caen, qui était en L2 la saison passée avant d'accéder à la L1, est un des clubs qui auraient été approchés par le Nîmes Olympique pour arranger des matchs, ou tenter de les arranger, ce qui est tout aussi répréhensible au regard de la loi.
Les enquêteurs cherchent à savoir si l'actionnaire principal des "Crocodiles" nîmois, Serge Kasparian, écroué à l'origine dans l'affaire du cercle de jeux parisien Cadet, a "exercé des pressions et proposé des arrangements" à d'autres clubs. Le but ? Que Nîmes, dont Kasparian entrait dans le capital à l'époque, reste en deuxième division.
Parmi les matchs suspects, il y a notamment un Caen-Nîmes du 13 mai (match en retard de la 28e journée de L2). Le résultat (1-1) avait fait les affaires des deux clubs, Caen montant ensuite en L1 tandis que Nîmes assurait son maintien.
Outre les clubs de Nîmes (L2) et Caen (aujourd'hui en L1), des perquisitions ont également eu lieu mardi à Dijon (L2). Avec à la clé une dizaine d'interpellations et huit gardes à vue, dont celles de l'actuel président du Nîmes Olympique Jean-Marc Conrad et de l'entraîneur de Dijon Olivier Dall'Oglio.
Il semble en revanche que le nom d'Angers (L2) ait été cité à tort, ont précisé des sources proches de l'enquête. Il y aurait eu confusion entre les noms de Stéphane Moulin (entraîneur du SCO d'Angers) et de Michel Moulin, ancien dirigeant du Paris SG et du Mans, proche de Conrad et de Dall'Oglio et qui aurait fait l'intermédiaire selon le Canard enchaîné.
"Arranger un match, c’est toujours compliqué"
En enquêtant sur Kasparian et sur le cercle Cadet, les enquêteurs du Service central des courses et jeux (SCCJ) ont acquis la conviction que des matches de foot avaient "été truqués" lors de la dernière saison. Entre les mains des juges parisiens Serge Tournaire et Hervé Robert, il y a notamment des écoutes téléphoniques, confirmées à l'AFP de source policière, et dont le Canard enchaîné publie des retranscriptions.
Le jour du fameux match entre Caen et Nîmes, les deux présidents se sont téléphonés, selon l'hebdomadaire. Question de Fortin: "Toi c'est un point aussi" (qu'il te faut ?). Réponse de Conrad: "Ouais, il nous faut un point, voilà". Et Fortin de poursuivre: "Ben, si on n'est pas trop cons, hein ?". Selon le Canard, après le match, le président de Nîmes "fait déposer à la porte du vestiaire caennais 24 cartons de 12 bouteilles de vin".
L'hebdo publie également des extraits d'écoutes concernant d'autres matchs de Nîmes, contre le CA Bastia et Dijon.
Les écoutes mentionnées entre Nîmes et Dijon sont plus troublantes encore, Kasparian lançant à son fils, troisième gardien chez les "Crocos": "C’est sûr, ils lâchent le match. Enfin, ils le lâchent gentiment, je veux dire".
La veille du match, Michel Moulin, qui a pris "contact" avec l'entraîneur dijonnais, confie: "J’ai fait passer le message, ils vont pas jouer le match de leur vie. Par contre, arranger un match, c’est toujours compliqué ( )". Mais Nîmes s’incline 5-1. Commentaire de Kasparian, toujours selon l'hebdo: "Franchement, on avait tout préparé pour qu’ils jouent tranquilles. Mais bon, à un moment donné, ils étaient tout seuls face au gardien. Il fallait bien qu’ils marquent !".