19 personnes et 9 sociétés sont jugées à partir de ce mercredi et jusqu'au 27 septembre au tribunal de Bobigny. Elles sont accusées d'avoir participé à un vaste réseau de blanchiment d'argent entre la France et la Chine.
Soupçonnées d'avoir participé au blanchiment en bande organisée de plus de 65 millions d'euros via le centre de grossistes chinois d'Aubervilliers, 19 personnes et 9 sociétés doivent être jugées à partir de ce mercredi 11 septembre, au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Le procès est prévu jusqu'au 27 septembre.
Une information judiciaire lancée en 2021 a mis au jour l'existence de deux systèmes frauduleux présumés impliquant de nombreuses sociétés fictives éparpillées entre la France, l'Europe et la Chine.
Le principal volet de cette affaire concerne notamment Chérif H., 45 ans, soupçonné d'avoir animé une officine qui aurait blanchi 37,6 millions d'euros entre janvier 2020 et avril 2024 dans le cadre d'un système de «décaisse». Aujourd'hui en détention provisoire, celui qui vivait entre la France et Dubaï avait été enregistré lors d'un appel en 2023, alors qu'il confiait à son interlocuteur : «Cette année, c'est soit la taule, soit le pactole».
Cet «apporteur d'affaires», qui déclarait un revenu officiel de 2.000 euros par mois, aurait utilisé plusieurs sociétés sans activité économique réelle pour générer de fausses factures et recevoir en échange des virements de la part de véritables entreprises. Répercutés de société en société, ces fonds étaient transférés dans divers pays d'Europe, avant de finir leur course sur des comptes en Chine continentale et à Hong Kong.
Chérif H. récupérait ensuite la somme en espèces auprès des commerçants de la communauté chinoise de Wenzhou (sud-est de la Chine) implantés dans le vaste complexe de vente en gros de prêt-à-porter d'Aubervilliers : le Centre international de commerce de gros France-Asie (Cifa). Ce dernier, regroupant plus de 250 boutiques et sociétés, est connu pour être l'une des plaques tournantes du blanchiment d'argent en Ile-de-France.
Oeuvres d'art, haute couture et cristal Baccarat
Les services de Chérif H. se chargeaient enfin de remettre l'argent au patron de société à l'origine du premier virement, moyennant une commission de 15-20%. Echappant au regard du fisc, ces liquidités permettaient aux bénéficiaires de régler des dépenses personnelles avec l'argent de leur entreprise ou même de payer des salariés sans avoir à s'acquitter de cotisations sociales ou d'impôts.
Un entrepreneur dans le BTP a notamment reconnu avoir utilisé cet argent pour payer au noir des agents de sécurité et des ouvriers sur ses chantiers. Le responsable d'une entreprise d'entretien s'en est de son côté servi pour régler des ménages non déclarés.
Lors des perquisitions, les enquêteurs ont par ailleurs trouvé de nombreuses œuvres d'art, pièces de cristal Baccarat ou tenues de haute couture chez le patron d'une entreprise de recyclage de déchets, qui a transféré près de six millions d'euros aux sociétés blanchisseuses.
En parallèle, l'instruction vise un second système de blanchiment d'argent, animé par l'un des principaux interlocuteurs de l'organisation de Chérif H. : Keqiang Z., 37 ans et membre de la communauté chinoise basée au Cifa d'Aubervilliers. Il est accusé d'avoir blanchi 29,5 millions d'euros entre des sociétés italiennes et chinoises dans le cadre d'un circuit de fraude à la TVA.