Le pôle national de lutte contre la haine en ligne enquêtait depuis le printemps sur le cyberharcèlement subi en 2021 par deux parlementaires et un médecin français. Les investigations ont finalement conduit à l'interpellation de huit membres d'un groupe antivaccins appelé «V-V» ou «Vivi», ce mardi 18 janvier.
Originaires de la Moselle, du Rhône, de la Seine-et-Marne, des Hauts-de-Seine et du Finistère, ces six femmes et deux hommes, âgés de 40 à 54 ans, sont accusés d'avoir mené des raids numériques visant la députée LREM Isabelle Rauch, la sénatrice PS Nicole Bonnefoy et un chef de service du CHU d'Amiens. Ces «attaques» en ligne consistent à noyer la victime sous un flot d'insultes envoyées en masse et de manière répétée au travers de moyens de communication électroniques.
Ainsi, le parquet de Paris a indiqué que ces huit individus serait prochainement jugés pour harcèlement moral en ligne. La justice leur reproche d'avoir mené ces campagnes de harcèlement de manière concertée, entre le printemps et la fin de l'été 2021. Pour ces faits, ils risquent jusqu'à deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.
D'après Jean-Philippe Reiland, le patron de l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité (OCLCH) qui a coordonné ce coup de filet, le groupe «V_V» compte environ 300 sympathisants dans l'Hexagone. Parmi les huit interpellés figure d'ailleurs un Mosellan considéré comme un leader français des «Vivi» en France.
Originaire d'Italie, ce groupe tiendrait son nom du verbe italien «vivere», «vivre» en français. Son logo, un double V rouge au centre d'un cercle, est inspiré de celui vu dans la bande-dessinée adaptée au cinéma, «V pour Vendetta». Comme dans l'oeuvre, les membres de cette entité antivaccins se cachent derrière le masque de Guy Fawkes, popularisé par les hackers d'Anonymous et devenu emblème de la défense des libertés.
Plus de 1.400 messages haineux en trois heures
D'après le directeur des enquêtes sur les menaces émergentes de Facebook, Mike Dvilyanski, les «Vivi» se coordonnaient notamment via la messagerie Telegram. Ils étaient formés pour échapper à la détection automatique du réseau social et disposaient de listes de personnes à cibler dans leurs attaques.
Leur technique consistait donc à inonder les victimes de messages dans un laps de temps court. Les propos sont souvent similaires, dénonçant un «chantage vaccinal», «la suppression des droits» et accusant «le gouvernement et le système», «le véritable virus», de «tuer les personnes et détruire la société».
Par exemple, en juin 2021, le journal Le Parisien avait été victime d'un raid numérique après leur avoir consacré un article. «Plus de 1.400 commentaires haineux» avaient ainsi été postés sur sa page Facebook en seulement trois heures. Un traitement semblable a été réservé aux parlementaires et au médecin visés.
«On a le droit de ne pas être d'accord, il n'y a pas de délit d'opinion en France, et heureusement, concède Isabelle Rauch, l'une des victimes. Mais les raids numériques, la haine en ligne, ça on n'a pas le droit [...] C'est trop simple d'être derrière un clavier». Nicole Bonnefoy, de son côté, ne se remet pas d'avoir été «traitée de nazi» parce qu'elle défendait la vaccination contre le Covid-19. Sur les réseaux sociaux, sa photo avait été utilisée par les «Vivi», qui avaient marqué son visage «d'une croix gammée».