Une étude scientifique parue ce jeudi 24 août, a constaté une mortalité totale et «sinistre» des poussins de manchots empereurs dans plusieurs colonies de l’Antarctique, en raison de la fonte record de la banquise ces derniers mois.
Il y aura-t-il encore des manchots empereurs d’ici à la fin du siècle ? C’est la question légitime soulevée par une étude scientifique parue ce jeudi. Elle y indique qu’une mortalité totale et «sinistre» de poussins avait été constatée dans plusieurs colonies de l’Antarctique, conséquence de la fonte record de la banquise ces derniers mois, qui fragilise notamment leurs sites de reproduction.
Et pour cause, sur cinq colonies surveillées dans la région de la mer de Bellingshausen, à l'ouest de l'Antarctique, toutes sauf une ont subi une perte «catastrophique» de 100% de poussins, qui se sont noyés ou sont morts de froid lorsque la glace a cédé sous leurs pattes. Ils n'étaient pas assez matures pour affronter de telles conditions, ont rapporté les chercheurs dans Communications: Earth & Environment, une revue du groupe Springer Nature.
«Il s'agit du premier échec majeur de la reproduction des manchots empereurs dans plusieurs colonies en même temps en raison de la fonte des glaces de mer, et c'est probablement un signe de ce qui nous attend à l'avenir», a déclaré l'auteur principal Peter Fretwell, chercheur au British Antarctic Survey. «Nous le prévoyions depuis un certain temps, mais le voir réellement se produire est sinistre», a-t-il ajouté.
Une espèce fragile
De la mi-septembre à la mi-décembre, la banquise Antarctique, qui se forme par congélation de l'eau salée de l'océan, avait atteint des vitesses de fonte record, avant de chuter en février à son plus bas niveau depuis le début des mesures satellitaires, il y a 45 ans. Or cette fonte précoce est intervenue au beau milieu de la période de reproduction des manchots empereurs, déjà complexe et fragile.
Les manchots empereurs, alias Aptenodytes forsteri, comptent environ 250.000 couples reproducteurs, tous en Antarctique, selon une étude de 2020. Les colonies de la mer de Bellingshausen représentent moins de 5% de ce total. «Mais dans l'ensemble, environ 30% de toutes les colonies ont été affectées par la fonte l'année dernière, il y aura donc beaucoup plus de poussins qui n'auront pas survécu», a expliqué Peter Fretwell.
Si les manchots empereurs sont certes capables de trouver des sites alternatifs, les records de fonte depuis 2016 menacent de dépasser leurs capacités d'adaptation, estiment les scientifiques. «Une telle stratégie ne sera pas possible si l'habitat de reproduction devient instable au niveau régional», a conclu l'étude.
Le manchot empereur a récemment été classé comme espèce menacée par l'autorité américaine de protection de la faune. Outre la mise en péril de ses lieux de reproduction, il est également fragilisé par l'acidification des océans, autre effet du réchauffement climatique, qui menace certains crustacés dont il se nourrit. Le British Antarctic Survey estime qu'au rythme actuel du réchauffement climatique, la quasi-totalité des manchots empereurs pourraient avoir disparu d'ici à la fin du siècle.