Pour financer la transition écologique, l’économiste Jean Pisani-Ferry, missionné par la Première ministre, Élisabeth Borne, préconise trois solutions, dont un endettement conséquent de l’État et la création d’un impôt exceptionnel sur le patrimoine financier des plus aisés.
Comment financer la transition écologique ? C’est la question à laquelle devait répondre Jean Pisani-Ferry, grand artisan du programme d’Emmanuel Macron en 2017, qui a détaillé ses solutions dans un rapport commandé par le gouvernement, et publié ce mardi 22 mai. Outre un endettement assumé de l’État, l’économiste préconise la création d’un impôt temporaire sur le patrimoine financier des 10% de ménages les plus aisés.
Alors que le gouvernement tente à tout prix de tourner définitivement la page des retraites, ce dernier multiplie les annonces sur le climat, dévoilant notamment sa stratégie pour faire face au réchauffement climatique à travers une grande consultation publique. Afin de financer cette stratégie d’adaptation, et plus globalement toute la transition écologique, Elisabeth Borne a missionné Jean Pisani-Ferry, qui a avancé trois solutions à court et moyen terme pour parvenir à atteindre les objectifs fixés.
L'endettement, un impôt et l'arrêt de projets néfastes
Selon Jean Pisani-Ferry, la première solution passe par un endettement conséquent et assumé de l’État, puisque cette transition «va coûter cher en argent public», prévient-il. L’économiste chiffre ainsi à 34 milliards par an en 2030 la part des dépenses publiques nécessaire au financement de la transition des énergies carbonées aux énergies décarbonées. Il évoque également «un ralentissement d’un quart de point de PIB» de la croissance avec une «perte de recette» pour l’État.
La deuxième solution préconisée par Jean Pisani-Ferry est la création d’un nouvel impôt, financé par les ménages les plus aisés. «Nous préconisons un impôt exceptionnel et temporaire, assis sur le patrimoine financier des 10% de ménages les plus aisés, et calibré en fonction du coût anticipé de la transition pour les finances publiques», écrit ainsi l’économiste dans son rapport. «D’ici à 2050, ce prélèvement pourrait représenter de l’ordre de 5 milliards d’euros par an», ajoute-t-il.
Cet impôt, dont la valeur n’est pas sans rappeler celle de l’impôt de solidarité sur la fortune, supprimé en 2017 par Emmanuel Macron, doit compléter une autre source de financement qui représente la troisième solution évoquée par Jean Pisani-Ferry : la traque des dépenses liées à des projets néfastes pour l’environnement. Cette dernière pourrait rapporter environ 10 milliards d’euros par an.
Une stratégie qui ne fait pas l'unanimité
Si la Première ministre a salué le travail de Jean Pisani-Ferry, les solutions apportées par l’économiste ne semblent toutefois pas en adéquation avec la stratégie dévoilée par Emmanuel Macron ces dernières semaines, qui mise plutôt sur une «croissance verte». Selon cette option, la transition écologique s’accompagne d’une reprise de la croissance. À l’inverse, l'économiste assure que «la transition climatique ne va pas créer de richesse» et qu’elle sera «un choc économique négatif».
Je salue le rapport de @pisaniferry et @Selma_Mahfouz sur les impacts économiques de la lutte contre le dérèglement climatique.
Le défi est grand ! Nous devons poursuivre et renforcer nos actions et investissements dans le domaine de la transition écologique.#FranceNationVerte pic.twitter.com/Pr06rPPfEJ— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) May 22, 2023
Par ailleurs, Emmanuel Macron n’a jamais montré de réelle appétence pour s’attaquer à la fiscalité des ménages les plus riches, et cette stratégie pourrait recueillir peu de faveurs au sein du gouvernement. Selon l’économiste, il s’agit pourtant à la fois d’un financement indispensable, mais aussi d’une manière habile d’offrir un certain apaisement social après l’épisode tumultueux des retraites, dans l’optique d’éviter une nouvelle crise similaire à celle des gilets jaunes.
Enfin, le rapport précise que la transition écologique ne se fera pas sans une réduction drastique des gaz à effet de serre (GES). À cet égard, la Première ministre Élisabeth Borne a dévoilé ce mardi un plan rehaussé de réduction des GES d’ici à 2030, en lien avec les nouveaux objectifs fixés par l’Union européenne pour atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire - 55% des GES en 2030, selon le plan «Fit for 55». Le plan comprend notamment des mesures concernant les ménages, les entreprises, l'État et les collectivités.
«Si l’on veut respecter l’objectif de baisse de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, on va devoir faire en dix ans ce qu’on a à peine fait en trente ans», conclut Jean Pisani-Ferry.