L'Humanité a consommé l'ensemble des ressources que la Terre peut reconstituer en une année et vit aujourd'hui son jour du dépassement pour 2022. Le WWF identifie notre système agricole et alimentaire comme la cause majeure de cet épuisement prématuré.
Ce jeudi 28 juillet pourrait être un jour comme les autres, s'il n'était pas celui dit «du dépassement». A partir d'aujourd'hui, l'Humanité est en déficit écologique, car elle a consommé l'ensemble des ressources que la Terre peut reconstituer en une année. Cela signifie que nous vivrons de l'épuisement de la biosphère durant les 156 jours restants en 2022.
Une perspective inquiétante, surtout en sachant que la date de ce «dépassement» a avancé de deux mois en vingt ans. L'Humanité épuise de plus en plus vite le budget annuel des ressources naturelles planétaires et, d'après les calculs du Global Footprint Network et de WWF, il nous faudrait l'équivalent d'«1,75 Terre» en termes de surface pour régénérer ce que nous consommons aujourd'hui. L'Hexagone ne fait pas partie des bons élèves puisque, si l'ensemble de l'Humanité vivait comme les Français, le jour du dépassement aurait eu lieu bien plus tôt, le 5 mai dernier.
© Global Footprint Network
D'après WWF France, le système agricole et alimentaire, notamment en Europe, est la cause majeure du dépassement, car il n'est pas soutenable. Les chiffres relayés par l'ONG indiquent que l'agriculture telle qu'on la pratique aujourd'hui, c'est-à-dire de manière intensive, est responsable de 80 % de la déforestation mondiale et représente 70 % de l'utilisation d'eau douce. La production alimentaire est en outre à l'origine de 70 % de la perte de biodiversité terrestre et de 50 % de la perte de la biodiversité des écosystèmes d'eau douce.
La moitié de la biocapacité de la planète (55 %) est aujourd'hui utilisée pour nourrir l'Humanité. A travers le monde, il existe des systèmes agricoles et alimentaires très différents les uns des autres, mais le modèle européen est particulièrement délétère. Il repose sur les énergies fossiles, surproduit et gaspille. Selon le WWF, jusqu'à 40 % des aliments produits dans le monde ne sont jamais consommés. Alors même que, dans certains pays, la population ne parvient pas à manger à sa faim.
Voilà pourquoi l'ONG considère que la transformation de notre système agricole et alimentaire constitue notre meilleure chance pour faire reculer le jour du dépassement. Cela passerait inévitablement par la réduction de la consommation de protéines animales (viandes, produits laitiers, oeufs), pour lui préférer celle de protéines végétales, fruits et légumes.
Réduire sa consommation de viande et se régaler avec des plats à base de protéines végétales : un petit pas pour l’homme, un grand pas pour la planète !
Pour en savoir plus rendez-vous sur https://t.co/8995xJJ4m3 #Eat4Change pic.twitter.com/8QqMNxWnhq— WWF France (@WWFFrance) July 25, 2022
A elle seule, la modification de notre régime alimentaire pourrait réduire d'au moins 30 % les émissions de gaz à effet de serre provenant de l'alimentation, de 46 % la disparition de la faune sauvage et de 20 % les décès prématurés, insiste le WWF.
Son rapport indique aussi qu'il est urgent de stopper la conversion des écosystèmes naturels en cultures et zones d'élevage. Entre 2005 et 2017, 3,5 millions d'hectares de forêt, soit plus que la superficie des Pays-Bas, ont été détruits pour fournir des produits agricoles destinés au marché de l'Union européenne (UE). Cette dernière est le deuxième plus grand importateur de produits liés à la déforestation tropicale.
Enfin, le WWF préconise de transformer totalement nos modes de production, afin de tendre vers l'agroécologie. L'agriculture telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui dans l'UE et dans d'autres parties du monde n'est pas soutenable car elle érode la base de ressources naturelles dont elle dépend.
Une économie «dopée aux énergies fossiles»
Pour sortir de ce cercle vicieux, l'ONG plaide pour l'abandon du modèle des monocultures, très dépendant des engrais et pesticides, et la sortie de l'élevage industriel. Les pratiques agroécologiques, reposant notamment sur l'agroforesterie et la réduction des intrants chimiques, pourraient permettre de diviser par deux les émissions du secteur agricole français d'ici 2050.
Alors que la France, comme d'autres pays européens, connaît actuellement son lot d'incendies, de canicules et d'inondations, Pierre Cannet, directeur du plaidoyer et des campagnes au WWF France, les désigne comme les «conséquences» de ce dépassement.
Il estime que les «régimes alimentaires moins carnés», les «modes de productions agro-écologiques» et «la protection des écosystèmes naturels» constituent les seules solutions viables pour sortir de cette «économie dopée aux énergies fossiles», qui épuise les ressources de la Terre.
Si cette journée du dépassement «marque une fois de plus nos esprits», elle doit davantage être perçue comme une occasion d'«engager un passage massif à l'action» que comme une fatalité, selon Pierre Cannet. «Il est grand temps de se réveiller et de déployer des solutions, chacun à son échelle, déclare-t-il. A nous d'agir au quotidien ! Aux décideurs de changer de modèle !».