Des scientifiques ont récemment identifié une nouvelle population d’ours polaires dans le sud-est du Groenland. Pour ne pas mourir de faim, ces derniers utilisent les morceaux de glace se détachant des glaciers d’eau douce de la région pour chasser.
La fonte rapide de la banquise dans l’Arctique représente une menace pour la survie des ours polaires, qui s’en servent comme d’une plate-forme pour chasser les phoques. Mais des scientifiques ont identifié une nouvelle population de cette espèce dans le sud-est du Groenland, qui utilise, elle, les blocs se détachant des glaciers d’eau douce pour chasser.
Leur découverte, décrite dans une étude publiée jeudi dans la prestigieuse revue Science, ouvre la possibilité qu'au moins quelques représentants de cette espèce puissent survivre au cours du siècle, sachant que la banquise de l'Arctique devrait finir par complètement disparaître en été.
A previously unidentified population of polar bears documented on the southeast coast of Greenland uses glacier ice to survive despite limited access to sea ice.
Read that research and more this week in Science: https://t.co/dUPSNYGPYw pic.twitter.com/bDTR0k9hvO— Science Magazine (@ScienceMagazine) June 16, 2022
«L'une des grandes questions est de savoir où les ours polaires vont pouvoir se maintenir», a expliqué à l'AFP Kristin Laidre, scientifique à l'université de Washington et à l'Institut des ressources naturelles du Groenland. «Je pense que les ours évoluant dans un endroit comme celui-là peuvent nous en apprendre beaucoup pour savoir où cela pourrait être le cas.»
Cette scientifique et ses collègues ont d'abord passé deux ans à interroger des chasseurs inuits. Puis ils ont commencé leur travail de terrain, conduit entre 2015 et 2021, dans une région sous-étudiée en raison de sa météo imprévisible, ses fortes chutes de neige et ses montagnes.
Des ours très casaniers
Chaque année, les chercheurs y ont passé un mois, au printemps, en logeant au plus près possibles du lieu de vie de ces ours polaires, soit à deux heures d'hélicoptère. Des réserves de carburant devaient être placées sur la route à l'avance. Cette population compte a priori plusieurs centaines d'individus.
Certains ours ont été équipés de dispositifs de localisation par satellite, et des échantillons d'ADN ont été récoltés, soit en en capturant certains, soit en utilisant des fléchettes pour réaliser des biopsies.
«Il s'agit de la population d'ours polaires la plus isolée génétiquement sur la planète», selon Beth Shapiro, co-auteure de l'étude et généticienne à l'université de Californie à Santa Cruz. «Nous savons que cette population a vécu séparément des autres ours polaires durant au moins plusieurs centaines d'années.»
Contrairement à leurs cousins, ces ours polaires là sont plutôt casaniers, et s'éloignent peu pour chasser. Leur isolement provient de la géographie de leur lieu de vie. «Lorsqu'ils se retrouvent entraînés par ce courant, ils sautent de la glace et marchent pour retourner vers leurs fjords», a expliqué Kristin Laidre. Selon les chercheurs, certains ours ont dû parcourir plus de 150 kilomètres pour rentrer chez eux.
Victimes du changement climatique
Si la banquise procure une plate-forme pour chasser à la plupart des quelques 26.000 ours polaires de l'Arctique, dans le sud-est du Groenland, les ours polaires n'y ont accès que pendant quatre mois, entre février et la fin mai. Durant les huit autres mois, ils comptent ainsi sur les morceaux de glace d'eau douce, se détachant de glaciers et finissant directement dans la mer.
«La combinaison de fjords, de forte production de glace, et le grand réservoir de glace issu de la calotte glaciaire du Groenland, est ce qui procure actuellement un approvisionnement continu en glace des glaciers», a expliqué dans un communiqué Twila Moon, co-auteure de l'étude.
Beaucoup reste encore à étudier chez ces ours polaires de cette partie du Groenland. Mais d'ores et déjà, des mesures ont montré que les femelles adultes sont un peu plus petites que la moyenne, et elles semblent avoir moins de petits. Cependant, il est encore difficile d'en tirer des conclusions en l'absence de données sur le long terme.
Toutefois, Kristin Laidre prévient qu'il faut se garder de placer trop d'espoirs dans cette étude. Les ours polaires ne seront pas sauvés sans action urgente pour combattre le changement climatique. Mais cette population-ci pourrait avoir de meilleures chances de survie que les autres.