Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.
La COP21 approche et, avec elle, un extraordinaire rassemblement de chefs d’Etat et de gouvernement, réunis pour tenter de limiter le réchauffement climatique à 2 °C, niveau considéré comme susceptible de préserver la planète. Dans cette perspective, Barack Obama vient de rejeter la requête d’une compagnie pétrolière canadienne projetant de construire un oléoduc traversant les Etats-Unis du nord au sud. Ce projet, dit Keystone XL, était devenu au fil des ans le symbole de l’attitude du gouvernement américain vis-à-vis du changement climatique. Pour le président des Etats-Unis, son pays est désormais au premier rang «lorsqu’il s’agit de lutter contre le réchauffement de la planète».
Au même moment, à l’occasion de la visite à Pékin de François Hollande, le président Xi Jinping faisait valoir que la Chine prendrait sa part de l’effort souhaitable. Les Etats-Unis et la Chine, à eux deux, détiennent une bonne part des clés du succès du futur sommet de Paris. En Chine, le débat n’est pas clos mais porte sur le rythme de la croissance, désormais ralentie, et sur sa qualité : comment passer à un modèle de croissance durable compatible avec les objectifs environnementaux.
Le débat chinois est le nôtre. Le péril climatique est réel mais la nécessité de poursuivre sur la voie de la croissance ne l’est pas moins. Les débats qui ont précédé la COP21 ont été marqués par la montée en puissance de l’idée que seule une «décroissance» permettrait de sauver la planète. La voix la plus retentissante sur ce registre a été celle du pape François qui, dans son encyclique Laudato si' en mai 2015, assure que «l’heure est venue d’accepter une décroissance dans quelques parties du monde et d’en finir avec le mythe moderne du progrès matériel sans limite». Cette profession de foi s’appuie sur un présupposé aussi simple qu’inexact, selon lequel on ne peut pas avoir une croissance infinie sur une planète limitée. Un éditorialiste du New York Times caractérisait récemment ce débat en distinguant les «dynamistes» des «catastrophistes». Les premiers pensent que le progrès n’est pas achevé et que la quête d’un futur meilleur pour le plus grand nombre passe par davantage de croissance et de prospérité, à gauche, en faisant confiance à l’Etat, à droite, en restant fidèle aux marchés. Les seconds, qu’ils soient de droite ou de gauche et le plus souvent écologistes, pensent que le système actuel est achevé et que la recherche de la modernité engendrera la catastrophe.
Rien n’est pire que le catastrophisme. Non seulement parce que le catastrophisme tous azimuts, que nous subissons aujourd’hui, nourrit le parti de la peur, qui conduit inévitablement à la quête d’un homme providentiel et, à terme, à un régime autoritaire. Mais aussi parce que les plus catastrophistes se sont toujours trompés. Dans les années 1960, on prédisait que l’explosion démographique conduirait une majorité de l’humanité à la famine, et dans les années 1970, les experts du Club de Rome avaient appelé à une «croissance zéro» pour préserver le système mondial. Or, la faim dans le monde n’a cessé de reculer grâce aux progrès de l’agriculture alors que la planète compte plus de 7 milliards d’habitants. Même chose pour l’augmentation de l’espérance de vie, directement liée à l’amélioration constante des conditions de vie du plus grand nombre. Le développement des pays émergents a fait naître une immense classe moyenne, sortant ainsi un grand nombre d’individus de la pauvreté.
Récuser le catastrophisme ne signifie pas ignorer les problèmes. La COP21 peut démontrer la capacité à prendre à bras-le-corps une question aussi lourde que le réchauffement climatique et à y apporter, sans dogmatisme, des débuts de réponses qui valent mieux que la peur de la catastrophe.