Le maïs transgénique MON 810 de Monsanto, bannie des cultures françaises depuis 2008, ne devrait pas faire son retour dans les champs de l'Hexagone malgré l'annulation jeudi par le Conseil d'Etat de l'interdiction de le cultiver.
Après l'annonce de cette décision, pour non conformité au droit européen, les ministres de l'Agriculture et de l'Ecologie, Stéphane Le Foll et Philippe Martin, ont rappelé "l'engagement du gouvernement (de) maintenir le moratoire sur la mise en culture de semences OGM".
La prévention "des risques environnementaux et économiques pour les autres cultures et l'apiculture" est mise en avant par les ministres, qui ont "demandé à leurs services de travailler sur de nouvelles pistes pour créer un cadre réglementaire adapté"" et promettent une décision "avant les prochains semis qui auront lieu entre avril et juin 2014".
La décision du Conseil d'Etat, saisi par plusieurs associations de producteurs de maïs, est très similaire à celle prise par la même instance en 2011 pour sanctionner un arrêté d'interdiction de 2008.
"Il ressort en effet de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'une telle mesure ne peut être prise par un État membre qu’en cas d'urgence et en présence d'une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement", a justifié jeudi le Conseil d’État.
La France, comme d'autres pays européens (Autriche, Hongrie, Grèce, Roumanie, Bulgarie, Luxembourg), a interdit depuis 2008 la culture du MON810 sur son sol.
Au sein de l'UE, ce maïs transgénique, le seul autorisé en Europe, est surtout cultivé en Espagne et au Portugal.
La France importe néanmoins des produits génétiquement modifiés pour l'alimentation animale ou l'industrie agroalimentaire.
En 2011, à la suite d'une décision de la Cour de justice européenne, le Conseil d’État avait déjà levé l'interdiction de culture appliquée au MON810.
Le gouvernement Fillon avait alors réagi en mars 2012 en produisant un nouvel arrêté, désormais lui aussi annulé.
Fracture pro et anti-OGM
Mais Stéphane Le Foll l'a affirmé: "Le Conseil d’État n'est pas le décideur, ce n'est pas lui qui dit si on peut ou pas interdire les OGM, il ne s'appuie que sur la base juridique pour dire si elle est valide ou pas".
La décision du Conseil d'Etat n'a pas manqué de relancer la guerre de positions entre pro et anti-OGM sur un sujet très sensible en France.
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Pour Olivier Belval, président de l'Unaf (apiculteurs), la levée de l'interdiction est "choquante, c'est un déni de démocratie imposé par les firmes semencières comme Monsanto, cela montre que le système de mise sur le marché des OGM est fait de telle sorte qu'il peut bâillonner une opinion publique et interdire une décision politique".
L'Unaf, comme plusieurs ONG (Greenpeace, FNE, Amis de la terre), la Confédération paysanne (syndicat d'agriculteurs) et la Fédération nationale de l'agriculture biologique ont ensemble appelé le ministre de l'Agriculture à passer "des paroles aux actes".
Le parti d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) s'est dit "consterné et scandalisé par cette décision". Elle "survient moins de deux semaines après que Monsanto ait annoncé qu’elle allait retirer toutes ses demandes d’homologations (en cours) de nouvelles cultures OGM dans l’Union européenne", relève le parti écologiste.
A ce jour, le maïs MON810 de Monsanto est le seul OGM cultivé en Europe, BASF ayant renoncé à produire dans l'Union sa pomme de terre Amflora.
Face à une victoire qui risque d'être de courte durée, les défenseurs des OGM, via la plateforme IBV (Initiatives biotechnologies végétales) réunissant semenciers (GNIS et UFS) et fabricants de phytosanitaires (UIPP), ont jugé "souhaitable que s’instaure un dialogue apaisé autour des technologies de progrès".
"Il s'agit d’enjeux économiques et sociétaux de première importance pour la compétitivité de notre pays", estime IBV pour qui "il n’existe pas de données scientifiques antérieures ou nouvelles justifiant une autre clause de sauvegarde pour ces variétés de maïs, cultivées par exemple en Espagne depuis près de 15 ans".