Un vaste programme de dératisation va peut-être permettre le retour de la reproduction naturelle des tortues géantes dans les Galapagos, qui a disparu depuis 150 ans dans le célèbre archipel équatorien.
Près de 2.000 espèces de rongeurs, prédateurs de ces tortues réputées pour avoir inspiré la théorie de l'évolution du naturaliste britannique Charles Darwin, sont dans le collimateur des administrateurs de cette réserve isolée dans l'océan Pacifique, à 1.000 km des côtes de l'Equateur.
"Ils détruisent les oeufs et tuent les bébés, altérant l'équilibre naturel qui présente un écosystème si fragile tel que celui des Galapagos", explique à l'AFP le directeur de la réserve, Edwin Naula, qui supervise l'opération de dératisation.
Au dessus de l'île Pinzon, le poison mortel pour les rongeurs, un anti-coagulant, tombe comme une pluie, largué depuis un hélicoptère.
L'objectif est de permettre aux tortues géantes, dont le poids peut atteindre une demi-tonne et la taille plus d'un mètre quatre-vingt, de retrouver le chemin de la reproduction naturelle.
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Entre 30.000 et 40.000 tortues représentant une dizaine d'espèces différentes vivent dans l'archipel, classé depuis 1979 au patrimoine mondiale de l'humanité de l'Unesco pour sa faune et sa flore exceptionnelle.
Actuellement, ces animaux, souvent centenaires, se reproduisent en captivité, sous contrôle scientifique, dans les installations du parc naturel des Galapagos (PNG), où ils sont élevées jusqu'à l'âge de 4 ou 5 ans. Depuis 45 ans, quelque 550 reptiles ont ainsi été relâchés dans la nature.
"Nous n'avons pas eu de succès dans nos tentatives de reproduction naturelle en raison de la présence des rats. Et nous espérons que cela changera une fois qu'aura disparu le principal ennemi de leurs nids", confie Christian Sevilla, responsable de la conservation et de la restauration des écosystèmes insulaires.
Les rats, d'un instinct très agressif et destructeur, ont été introduits il y a "plusieurs centaines d'années dans les Galapagos à l'époque où venaient les pirates", précise M. Sevilla.
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L'extermination de ces rongeurs a fortement endommagé, pour la seule année 2011, pas moins de 700 hectares sur une dizaine d'îles.
Outre les oeufs des tortues, ces prédateurs s'attaquent à d'autres populations protégées, comme les iguanes ou les lézards, sur l'archipel qui compte au moins 1.500 espèces végétales et 500 animales.
"Il existe d'innombrables espèces qui n'ont pas été encore découvertes dans l'environnement terrestre et marin", rappelle M. Naula.
"Notre but est de restaurer les écosystèmes dans les Galapagos, qui ont été depuis longtemps altérés avec l'activité des baleiniers et des pirates", grands consommateurs de tortues, au même titre que les rats.
Pour cette dératisation à grande échelle, le parc national des Galapagos compte sur l'aide de plusieurs organismes, dont la prestigieuse fondation américaine Island Conservation.
Pour les îles de Pinzon et de Plaza Sur, qui comptent une dizaine de rats par hectare, quelque 22 tonnes d'aliments empoisonnés ont été dispersés.
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"L'une des préoccupations, c'est d'éviter que l'application du poison porte atteinte à d'autres espèces natives ou endémiques", indique encore M. Sevilla, en observant une soixantaine de faucons, placés depuis novembre dans des cages spécialement installées à leur intention.
Mais tous les animaux ne peuvent être protégés. Près du cadavre de deux rongeurs, on a trouvé celui d'une chouette, morte après avoir mangé un rat qui avait ingéré du poison. "C'est le prix à payer, mais notre plan va permettre de restaurer l'environnement", souligne Danny Rueda, un autre responsable de la protection de l'écosystème insulaire.
Les gardiens du parc assurent la surveillance des cages où sont mis à l'abri les animaux le temps de la dératisation. Ils seront ensuite relâchés, sans risque de contamination dans le futur sur terre comme en mer: le poison est bio-dégradable et il n'est pas soluble dans l'eau.