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Italie : le gouvernement vole au secours d'une aciérie controversée

L'aciérie Ilva de Tarente le 27 novembre 2012 [Donato Fasano / AFP] L'aciérie Ilva de Tarente le 27 novembre 2012 [Donato Fasano / AFP]

Le gouvernement italien a volé vendredi au secours de la controversée aciérie Ilva de Tarente (sud), accusée d'empoisonner ses riverains mais jugée stratégique en termes d'emploi et d'industrie, alors que la justice envisage de bloquer l'action de l'exécutif.

Le gouvernement, réuni longuement en conseil des ministres, a approuvé un décret-loi "pour l'assainissement environnemental et la continuité productive de l'Ilva de Tarente".

Son adoption en urgence vise à résoudre la crise, qui couvait depuis des mois, mais avait éclaté lundi au grand jour autour de cette gigantesque usine, accusée de polluer et de mettre en danger la santé des employés et des habitants, mais qui constitue aussi le gagne-pain de dizaines de milliers de familles italiennes, ainsi qu'un fournisseur de premier plan pour l'industrie nationale.

"L'intervention du gouvernement a été nécessaire parce que Tarente est un atout stratégique tant au niveau régional que national", a expliqué le président du Conseil Mario Monti après le conseil des ministres. Ce décret est destiné "à sauver l'environnement, la santé et les emplois", a-t-il dit.

Ilva, entreprise autrefois publique et propriété depuis 1994 du groupe familial Riva, est sous forte pression de la justice locale, qui a mis sous séquestre une partie de l'usine et arrêté plusieurs personnes dont certaines sont soupçonnées d'avoir corrompu des experts environnementaux en échange d'évaluations favorables.

Le président du Conseil italien Mario Monti, à Bruxelles le 23 novembre 2012 [Thierry Charlier / AFP/Archives]
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Le président du Conseil italien Mario Monti, à Bruxelles le 23 novembre 2012
 

Le décret, qui transforme en loi une précédente autorisation administrative, lui permet de continuer à gérer le site. En échange, le groupe s'expose à des sanctions s'il ne respecte pas ses engagements, notamment en matière d'assainissement du site.

Le décret prévoit aussi la mise en place d'un "garant" chargé de veiller à la mise en oeuvre des dispositions prévues.

En cas de non-respect, l'entreprise pourra être soumise à des sanctions allant jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires, en plus de toutes les sanctions administratives déjà prévues. "C'est une condition de garantie", a affirmé le ministre de l'Environnement Corrado Clini.

Concilier emploi, justice et environnement

"Nous avons introduit des interventions possibles sur la propriété elle-même qui pourraient lui faire perdre une valeur énorme", a renchéri le ministre du développement économique Corrado Passera. "Si elle ne fait pas ce qui est prévu par la loi, elle verra sa valeur chuter jusqu'à en perdre le contrôle", a-t-il dit.

M. Monti avait insisté dès jeudi, lors d'une rencontre avec les principaux protagonistes, sur le fait que le décret ne visait nullement à court-circuiter la justice de Tarente, en pointe dans les enquêtes contre Ilva.

Des ouvriers d'Ilva de Gênes manifestent à Rome le 29 novembre 2012 [Alberto Pizzoli / AFP]
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Des ouvriers d'Ilva de Gênes manifestent à Rome le 29 novembre 2012
 

"Nous ne pouvons pas nous permettre de donner l'image d'une Italie où il n'est pas possible de concilier la sauvegarde de l'emploi et le respect (des décisions) de la magistrature, la tutelle de l'environnement et la production d'acier", avait-il dit.

Le Parquet de Tarente envisage cependant de demander au juge des enquêtes préliminaires que soit décrétée l'inconstitutionnalité du décret-loi adopté par le gouvernement, selon des sources judiciaires.

Le juge, Patrizia Todisco, s'était prononcé, peu avant l'annonce du décret, contre la levée du séquestre demandée par l'Ilva. Elle avait jugé impossible, sur la base de ce que les enquêtes ont fait apparaître, d'"autoriser l'Ilva (...) dans l'état actuel des installations sous séquestre, à continuer immédiatement l'activité productive" sans mener d'abord des interventions d'assainissement, avait argué le juge.

L'association nationale des magistrats italiens (ANM) avait estimé jeudi que les juges de Tarente avaient "dans le cas Ilva exercé leurs prérogatives avec rigueur".

Elle avait rappelé que les éléments dont disposent les enquêteurs suggèrent l'hypothèse "de crimes graves" laissant planer "un danger sérieux et concret sur la santé des employés et des citadins de la zone concernée".

Selon le gouvernement, une fermeture d'Ilva aurait un impact négatif sur l'économie estimé à 8 milliards d'euros par an. L'usine représente aussi des dizaines de milliers d'emplois, directs ou induits.

A Gênes (nord), des ouvriers d'un autre site d'Ilva, réunis devant la préfecture pour attendre la décision du gouvernement, ont salué l'annonce du décret par de longs applaudissements.

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