"La Paz est avec vous": avec des applaudissements, des cris, des poignées de main, des milliers de "Pacenos" ont accueilli mercredi la longue marche de protestation d'indiens amazoniens boliviens contre un projet de route à travers leur territoire.
Dans un climat de kermesse contrastant avec la tension de ces derniers jours provoquée par une grève de la police, quelque 1.200 de ceux que l'on appelle "indigènes" en Bolivie sont arrivés dans la capitale à l'issue d'une longue marche de 600 km pour plaider leur cause auprès des autorités.
Les marcheurs sont opposés à la construction d'une route traversant le parc naturel Tipnis où ils vivent.
Les protestataires ne seront pas reçus par le président Evo Morales, selon les autorités, contrairement à octobre dernier, lors d'une marche similaire qui avait débouché sur la suspension du projet et l'annonce par le gouvernement d'une consultation avant toute décision ultérieure.
En tête de la marche, comme elle l'avait fait l'an dernier, Aydé Ortiz, chapeau de paille vissé sur la tête et sac de couchage sur le dos, porte un gigantesque drapeau bolivien avec une hampe en bois de 4 mètres.
"Nous sommes ici à nouveau pour défendre nos droits, notre territoire et la démocratie bolivienne", dit-elle fièrement à l'AFP.
Au terme d'un périple entamé le 27 avril à Trinidad, dans le département du Beni (nord-ouest), les marcheurs dont beaucoup de femmes et d'enfants sont entrés dans la capitale où ils ont été rejoints par de nombreux représentants de la société civile et d'ONG.
"Nous sommes tous le Tipnis", "ça n'est pas un coup d'Etat, c'est de la dignité", "Tipnis oui, coca, non" , "on ne touche pas au Tipnis": les slogans repris par les passants expriment aussi de façon à peine voilée le mécontentement envers la gestion du président Evo Morales premier président amérindien de Bolivie issu de la gauche nationaliste, dont la popularité s'est nettement dégradée.
Brandissant des drapeaux boliviens et des banderoles ornées du "patuju" une fleur d'Amazonie aux trois couleurs nationales - rouge, jaune, vert - la marche défile dans les rues escarpées de La Paz, se dirigeant vers la Place San Francisco au coeur de la ville.
"Bienvenue, frères indigènes, bienvenue", lancent des passants, dont certains arrivent les bras chargés de sacs de vivres, de boissons, de vêtements destinés aux marcheurs.
"Nous donnons la bienvenue à ces pauvres gens qui luttent pour l'environnement et l'humanité entière", s'émeut Maria Carcamo, 63 ans. "Nous souffrons pour eux", dit-elle à l'AFP.
"Nous espérons dialoguer avec le gouvernement pour qu'il accède à notre demande" d'annulation du projet de route, déclare pour sa part à la presse Adolfo Chavez, un des organisateurs de la marche.
Derrière les indiens, certains coiffés de somptueuses plumes multicolores, derrière des écologistes porteurs de masques figurant des animaux d'Amazonie, et des militants d'ONG en tous genres, des bus roulant au pas chargés de femmes et d'enfants aux yeux écarquillés, les familles de marcheurs, ferment le cortège.